Je n’avais pas profondément gravé le nom de Jean-Marie Poiré, doté que j’étais d’un recul anticipé sur les classiques. Mais il va me falloir l’immortaliser dans mon esprit comme génie du comique. Et puis ce n’est pas tous les jours qu’on démarre le moteur alchimique entre l’Astérix et l’Obélix emblématiques du cinéma français.
Pourtant, ça va vite. Il le faut, à plusieurs reprises, et tout d’abord pour empiler la comédie franchouillarde sur le film d’action au goût des ruelles hong-kongaises pratiquées comme jadis Pierre Richard accompagnait Depardieu au Mexique. Le montage nous offre des asyndètes permanentes de l’image, des raccourcis osés mais bien utiles pour permettre à l’œuvre de s’offrir un rythme.
Entre les cascades james-bondiennes et le distique interprétatif, entre la trépidation sinomorphe et les vagues fondements dramatiques qui se forgent à Paris pour de dissoudre illico dans une conclusion éclair, c’est à se demander comment l’on peut naviguer du début à la fin sans percevoir de secousses ou de ruptures.
Ne lésinant pas sur le nombre de caméras ni de prises (obligé : on sent venir qu’il y aura un bêtisier, et il tombe bien pour faire durer le plaisir au-delà même de la fin), Poiré cherche des angles abrupts et use de pas mal de machinerie pour faire bien voir sa méthode ; c’est un m’as-tu-vu franchement efficace quand on peut compter sur la complicité des stars avec leur public, le sentiment que les acteurs ne jouent pas seulement pour nous, mais qu’ils sont à nous, arrachés à leur prestation par toute la hauteur de scènes drôles et insouciantes : un incendie ? qu’à cela ne tienne : on se sent proche de l’équipe, et bizarrement, voilà qui cimente tout. Alors l’incendie, les cascades, le drame : on s’envole au-dessus, on ne voit plus le film, on EST le film.
Les Anges Gardiens arrivent tard, en réalité ; c’est que pour aller de A à B, Poiré passe en revue tout l’alphabet, ajoutant des couches à son millefeuille jovial : la Chine, la comédie, le drame d’action, ajoutons-y la Belgique, la famille, et finalement les fameux anges gardiens et leur côté fantastique et débridé. Rien n’est de trop, rien n’est trop vite survolé, malgré le train d’enfer que Poiré imprime pour explorer l’apport au compte-gouttes des enfants (qui sont à la charge du Père Tarain, A-I-N comme « pain », s’escrimera son Clavier d’interprète) et de la polissonerie cabaresque servant de beurre sur le Paris-Brest.
Oui, on se perd un peu dans le sur-emploi de l’humour qui consiste à créer la confusion sur l’interlocuteur, et l’on à peine le temps de se questionner sur ce « cinéma de papa » speed avant l’heure. Mais, fichtre, il y a tellement de choses, tellement d’investissement, qu’il soit comique ou qu’il pourvoie à un carambolage. Et, diantre, j’ai tant ri.
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