J'ai vu ce Brothers à la télé, un peu par hasard, et qu'est ce que je regrette mon choix ! Non, je ne suis pas un troll qui met 4.5 pour ensuite déglinguer un film, mais plutôt un type frustré que la télévision française ne propose pas de sous-titres pour les rares films de qualité qu'elle offre (en seconde partie de soirée pour Brothers, c'est dire le goût du public français). Résultat, cette version française n'offre pas des doublages calamiteux (mis à part ceux des fillettes, tellement peu naturels) mais je sais pertinemment qu'en VO, tout aurait - encore - eu plus de force. Pourtant, on part déjà sur de très bonnes bases question performances d'acteur. Je n'aime pas spécialement Gyllenhaal, je le redis à chaque fois, mais force est de constater qu'il est pourtant très juste et que mes raisons objectives de dénigrer cet acteur se font aussi rares que ses fautes de jeu. Il est ici un parfait looser, petit frère dans l'ombre de son aîné adulé, qui apprend le sens des responsabilités et gagne en sérénité aux côtés de sa belle-soeur (Natalie Portman, dont j'ai vraiment marre d'avoir à faire des louanges) avec laquelle il noue un début de romance contrit mais très pur. Mais voilà, l'ami Tobey Maguire, mari et père de famille attitré, revient du front où on le croyait tombé, ravagé par la violence psychologique du conflit afghan. C'est là que Brothers progresse en intensité au moment idoine, cumulant réflexion simple et limpide sur les ravages de la guerre et tragédie familiale presque shakespearienne, remplie jusqu'à la gueule de sentiments contrariés et de déchirements intimes. La richesse de Brothers tient en plus à des questionnements frontaux sur le pardon (envers les autres, envers soi), l'importance du non-dit, la force destructrice des émotions. Des éléments déjà vus certes, mais de façon logique car essentiels des destinées humaines, donc d'une force indéniable une fois transposés à l'écran. Et la tambouille prend d'autant mieux que le chef est bon. Je ne connais pas Jim Sheridan (pas même son "Au nom du père"), et cette critique ne prétend pas juger Brothers au sein de sa filmographie, - pas plus que comme un remake du films danois de Susanne Bier. Mais intrinsèquement, Brothers me semble simplement signé de la patte d'un très bon réalisateur, dont le sens du mélo est peut-être juste terni par quelques passages forcés en Afghanistan, et encore, justifiables sur deux ou trois arguments solides. Quoi qu'il en soit, la mise en scène est d'une parfaite épure, se concentrant sans forcer sur les éléments narratifs qu'elle souhaite appuyer. Fluide et d'une grande finesse, l'assemblage est parfaitement adapté au genre, cadrant un récit dont la force tient aussi au nombre incalculable de portes qu'il laisse entrouvertes, de discussions possibles qu'il ouvre sans fermer. Des causes dramatiques, des conséquences incertaines mais pourtant jamais annonciatrices d'un futur radieux. Fort, vrai, poignant et digne, un des rares long-métrages qui ont failli m'arracher quelques larmes. Mais bon, cœur de pierre quand tu nous tiens...