Il n’y a pas lieu, comme le font certains imbéciles et autres ricaneurs systématiques, de « se payer Lelouch » à chaque sortie de ses films. Claude Lelouch a une grande culture cinématographique, et c’est un bon réalisateur. Il lui manque seulement ce que David O. Selznick fut à Hitchcock durant quelques année : un producteur expérimenté, pourvu de bon sens, qui lui serre la vis et l’empêche de donner vie à ses pires lubies, qui sont à l’origine de certaines scènes idiotes. Citons-en trois dans le présent film : la courte séquence de comédie musicale peu avant la fin, qui tombe là comme un cheveu sur la soupe ; la scène où un officier hitlérien joue « La Marseillaise » à l’accordina, dans un immeuble rempli de nazis éberlués ; et la tirade extraite de « La voix humaine », pièce de Cocteau, que Judith Magre récite dans le wagon qui l’emmène vers les camps de la mort, avec les autres prisonniers qui l’appplaudissent à la fin. Autre défaut, cette manie de caser des chansons, des airs de jazz, et même le premier mouvement du deuxième concerto de Rachmaninoff, et de les passer in extenso, sans faire grâce au spectateur d’un seul mot ou d’une seule note – ce qui, dans le cas de Rachmaninoff, ne colle pas du tout aux images de guerre qu’elle accompagne !
Cela dit, Lelouch est un réalisateur de type hollywoodien, qui bourre ses films de toutes les idées et références qui lui traversent l’esprit, et qui s’y prend souvent mieux que s’il travaillait à Hollywood. Je n’ai guère apprécié son interprète féminine, mais le duo Liane Foly-Zinedine Soualem en musiciens des rues est excellent, Samuel Labarthe est plausible en officier nazi, Gille Lemaire est très sympathique en héritier richissime des machines à coudre Singer, le chanteur Raphaël est loin d’être insignifiant, et Laurent Couson, en avocat-pianiste, joue réellement du piano (il n’a pas de mérite, c’est aussi le compositeur de la musique du film. Lelouch avait déjà fait jouer son musicien, Francis Lai, dans deux de ses films).
Voyez le film, oubliez les préjugés, et faites-vous votre propre opinion.