20ans après son dernier film, Terrence Malick revenait donc en 1999 avec ce film de guerre ambitieux, un projet risqué tant le film de guerre américain avait déjà donné lieu à des chefs d'oeuvre considérés comme ultime via Francis Ford Coppola et Stanley Kubrich. Malick ne cherche pas à les imiter et délivre comme à son habitude un film pleinement personnel, centré sur le rapport de l'homme à la Nature, au Cosmos, au sens de la vie, de la mort en passant par la violence et la société. Ceux qui sont familiarisé avec le cinéaste seront donc en terrain connu. Le film est atypique par sa narration basée sur les points de vue de multiples personnages. C'est une grande richesse du film. Mais c'est aussi une faiblesse dans la mesure ou les coupes drastiques qui ont été faites au montage se ressentent. En effet, des personnages sont moins approfondis que d'autres et on sent que certaines scènes sont incomplètes. Cela est amplifié quand des acteurs plutôt chevronnés se retrouvent à faire de la figuration. Si la construction du récit proprement dit ne semble pas ce qui intéresse le plus le réalisateur, c'est parce qu'il mise tout sur le ressenti, l'émotion suscitée par la forme, la composition des plans, le montage pour traiter ses thèmes en profondeur. Chacun aura son opinion sur l'utilisation du procédé de la voix off. Je ne suis pas un grand amateur de ce procédé que je trouve trop explicite, trop grossier mais cela fonctionne plutôt bien dans ce film car il y a beaucoup de personnages à comprendre et à pénétrer dans leur for intérieur. Le procédé de la voix off permet d'aller à l'essentiel rapidement et d'explorer une pléthore de personnages. Si l'on doit résumer le film en une formule, je dirais que c'est un film de contraste. Par là même qu'il questionne la vie et la mort, le contraste entre la beauté de la nature et des paysages d'un côté et l'horreur de la guerre de l'autre est saisissant. De même dans son propos métaphysique, le film malmène la doctrine post-mortem des religions mais ne sombre pas dans le nihilisme pour autant en laissant la porte ouverte à une spiritualité plus panthéiste. Quoi qu'il en soit, le film ne tranche jamais définitivement et se concentre sur l'expérience et le vécu de ces hommes. La fin illustre ainsi parfaitement ce contraste en passant d'une séquence pessimiste à une autre plus positive. S'agissant des scènes de guerre, elles adoptent un rythme assez singulier qui se veut réaliste. La mise en scène de la bataille de guadalcanal est assez virtuose et on a l'impression d'assister à un balai opératique. Certaines scènes sont ainsi marquantes et d'une réelle puissance. Malick ne cède pour autant jamais au spectaculaire en revenant sans cesse à son propos métaphysique. Malgré cette densité thématique, je trouve le thème de la violence n'est que survolé ce qui est dommage. A vouloir aborder trop de choses, on reste parfois un peu sur notre faim, les 2h40 sont trop courtes pour aborder tout cela ! Sur les interprétations des acteurs, si certaines têtes connues sont amenés à faire de la figuration, on retiendra tout de même 2 performances très honorables, celle de Jim Caviezel et de Sean Penn. C'est d'ailleurs les scènes où les 2 personnages confrontent leurs idéaux et convictions qui m'ont paru les plus intéressantes. En conclusion, le style Malick se prêtait parfaitement pour traiter de cette période de l'histoire, ce film de contraste contient de réels moments de grâce et si le film n'est pas toujours à la hauteur de son propos ambitieux, cela reste un grand film. ( J'ai toutefois une préférence pour « Mémoires de nos pères » de Clint Eastwood plus subtil dans ses procédés et tout aussi profond dans son propos).