Kubrick, Coppola, Ford, Hawks, Walsh, Cimino, ils ont tous un chef d’œuvre martial à leur crédit mais Terrence Malick s’en moque, il veut le sien et il l’aura, qu’importe s’il vient après la bataille. Grand bien lui en a pris puisque ce film, en lui offrant l’Ours d’or allemand, braque sur lui les projecteurs pour encore longtemps. C’est que clairement, cette mince ligne rouge n’a rien à rendre à ses glorieux ainés. Le casting vaut à lui seul plusieurs étoiles. Penn, Nolte, Brody, Leto, Cusack, Clooney, Harrelson et tous les autres brillent en hommes pris dans une broyeuse qui les dépasse, étouffe leurs âmes, pompe leur substantifique moelle. Des hommes, nippons ou yankees, tous aussi sombres, inquiets, échaudés, passionnés. Des hommes dont les pensées nous accompagnent : peur, ambition, désarroi, souvenirs, illusions, obsessions – et puis autour la jungle, luxuriante et dangereuse, violente et harmonieuse, une vie réduite à ses extrêmes. Le metteur en scène esthétise tout autant la mangrove, sa faune et sa flore, que la guerre monstrueuse. Ni l’une ni l’autre n’a de sens, elles sont, c’est tout, de simples objets picturaux qu’il rassemble en une toile terrifiante. A tant sur-styliser, il pourra parfois sembler vain, excessif, superflu ; parfois il touche au sublime. Un grand vient de naître.