Nananananananananananananana... C'est sur ces dernières notes de musique que je quitte la chambre de mon frère. Le film se finit sur son ordinateur, mais je continue de pleurer. Mes cris déchirent encore l'appartement, et les mouchoirs sont répandus un peu partout. C'est fini, enfin. Cette épreuve d'une souffrance terrible, d'une tristesse incroyable, d'une intensité unique. Il faut retourner à la vie, voir des gens, bouger, sourire aussi. Ca va être dur. "Le gone duchaaba" est une claque. Phénoménale et monumentale. Dans tous les sens du terme, cinématographique et physique. On n'en ressort pas indemne, si l'on est entré dans le film. Je ne parlerai pas de ceux pour qui ce n'était pas le cas. Bien que je puisse le comprendre, je ne suis absolument pas concerné donc je passerai toute la partie violence gratuite et facilités scénaristiques. "Le gone du chaaba" est une claque. Ou plutôt un point dans la tronche, si vous me permettez l'expression. Une bonne grosse frappe de votre plus grand ennemi qui vous projette au sol. Il vous faudra plusieurs heures pour pouvoir revenir à votre état normal. Des heures au plus bas, touché comme jamais vous n'avez été touché, l'esprit totalement détruit. La vie est moche, injuste, sale, noire, dure. On perd tout courage, tout espoir, toute foi en l'humanité. On perd tout. On est nu face à ce film, sans rien pour se protéger. Le film est nu devant nous, sans artifices. Juste des larmes et des coups. Grâce à quoi ? Grâce à Christophe Ruggia et sa façon de filmer si spéciale. "Le gone du chaaba" ressemble à un documentaire et les acteurs du film ont énormément de liberté. Tout ça, c'est magnifique parce qu'il va toujours au bout de sa mise en scène, au bout des dialogues, au bout de ses idées, au bout de l'intrigue. Parfois il va trop loin peut-être. Mais il n'empêche qu'il va au bout, et rien que pour ça, je l'admire. Il ne se soucie pas du reste du monde, il se soucie de ses acteurs. Il se soucie de Bouzid Negnoug, d'Omar, et ça se voit. Il est constamment mise en avant, tous ses talents sont à leur maximum, mais j'y reviendrai. Parlons d'abord de l'histoire. La plus horrible, la plus sadique, la plus injuste. Tout le monde s'acharne sur Omar, même les gentils s'y mettent. Il en ressort magnifiée, car en position de victime, on ne peut le trouver que plus majestueux. Ce que Omar donne aux gens est fabuleux, pourtant elle n'a pas grand chose. Lorsqu'il leur donne de l'amour, c'est vraiment beau. Alors je peux vous dire que plus on avance dans le film, plus c'est dur. Le moment est venu pour moi de parler de la performance de Bouzid Negnoug. Il s'est directement placée grâce à ce film en première position de mes acteurs préférées. Un seul film, mais quel acteur. Après lui, même une Tahereh Ladanian de "Au travers des oliviers" ou un Ahmad Ahmadpoor de "Ou est la maison de mon ami?" vous paraitra fade. D'accord, le rôle donné par le réalisateur est plutôt intéressant pour faire une bonne performance, mais quand même. Comme je l'ai dit précédemment, Ruggia laisse une grande liberté à ses acteurs. Je pense par exemple à la scène centrale du film ("My name is Omar and I'm nine"). On ne peut que s'incliner devant Bouzid Negnoug lorsqu'on voit ces images. Et pourtant, Tahereh et Ahmad sont balèzes, croyez-moi. J'en suis presque à faire une thèse sur le fait qu'il n'est pas humain, mais au dessus de nous tous. C'est vous dire. La scène centrale du film, c'est d'ailleurs là où j'ai commencé à pleurer. Puis je n'ai pas arrêté pendant une heure et demie. Avec des hauts et des bas, mais surtout des bas. Des mouchoirs, des mouchoirs, quelques reniflements, des larmes qui coulent. Jusqu'ici rien de grave. Non non, je vous jure, rien de grave, c'est seulement des larmes. Ensuite, les cris sont venus. C'est là où tu te dis que les deux heures que tu viens de passer n'étaient rien. Vient donc la scène de la
pendaison
, le moment où la montée de la tension est la plus visible. Mince, on le sent se rapprocher autant que Omar. Là, les larmes commencent à s'accompagner de petits sons de tristesse, et je décidé de ne plus me contrôler. Autant tout lâcher, c'est bientôt fini. Dix secondes avant la fin du film, mon cœur s'est arrêté de battre pendant un instant. Ça n'a duré qu'une milliseconde, qu'un seul battement. Mon cœur a simplement zappé un battement. Le vide intersidéral. L'impression de tomber d'une falaise, ce moment je m'en souviendrai toute ma vie. Christophe Ruggia, tu me dois un battement de cœur. Je ne parlerai pas de l'évènement qui a causé ce vide absolu en moi, ceux qui ont vu le film savent de quoi je parle, de toute façon. C'est la seconde d'après que les cris sont sortis. Tellement de souffrance en moi, tellement de haine, j'ai tout laissé sortir d'un coup. C'était la chose la plus puissante de ma vie. Je ne sais pas si je vivrai ça un autre jour. L'heure suivant "Ou est la maison de mon ami?", par rapport à celle suivant "Le gone du chaaba", fade aussi. Les musiques sont également magnifiques, toutes sans exception. Le fait qu'elles commencent grâce à la vision de Omar du monde, les petits bruits des pas qui deviennent une mélodie, c'est véritablement génial. Chaque musique arrive au bon moment, exprime les bonnes choses. Tout est parfait. Et à cela s'ajoute la voix de Omar, que vous dire de plus. Un dieu, une voix qui va chercher au fond de vous pour extraire les sentiments les plus purs et puissants. Comme je n'ai plus la force de faire une conclusion parce que même le fait d'écrire une critique de "Le gone du chaaba" me rend tout patraque, je conclurai avec cette phrase de Philistine, que l'on peut retrouver dans la critique de Gizmo. Cette phrase, j'y pense en permanence depuis que je l'ai lue : "les pires moments de ma vie j'ai pas chialé autant que devant 'Le gone du chaaba'." Tout simplement.