Une BMW roule doucement dans une décor de maisons luxueuses à l'alignement et la propreté dignes du "Truman Show", croisant une femme qui fait son jogging, des écoliers en uniforme qui traversent la rue, et un papillon que l'on suit jusqu'à un grillage électrifié sur lequel il se carbonise, alors qu'en franchissant le mur, la camera dévoile la favela qui encercle la résidence.
D'emblée, cette scène d'ouverture expose le rôle central de ce mur, et des oppositions qu'il symbolise : celle entre la richesse indécente et la pauvreté environnante, celle entre la légalité de l'extérieur et la loi de la résidence, celle entre la corruption généralisée des adultes et la solidarité des jeunes.
On sait que ce genre de cité s'est développé depuis quelques années aux Etats-Unis, au Brésil, dans le sud de la France et apparemment au Mexique. En créant un espace clos, protégé et surveillé en permanence, les promoteurs de ces Sun Cities ont voulu répondre à un besoin de sécurité pour une population riche qui ne se sentait plus défendue dans le monde extérieur.
Ghettos inversés, ces communautés ont développé un mode de gestion démocratique inspiré de la copropriété, le coût de l'accès à ces résidences garantissant l'appartenance à un même monde. Toute proportion gardée, cela relève de la même contradiction que l'idéologie des kibboutz : l'autogestion et la démocratie s'arrêtent une fois franchies les limites ; pire, cette solidarité ne trouve son sens que contre ceux qui ses trouvent de l'autre côté des barbelés.
Dans la Zona, il y a bien quelques gens de l'extérieur : employés de maison ou gardes. Mais en cas de crise, on reprend les badges des premiers et on maquille en suicide la mort des autres victimes d'un friendly fire. Individuellement, la plupart des résidents de cette communauté sont plutôt sympathiques : le vieux monsieur est rongé de remords d'avoir accidentellement abattu le garde, Daniel est un père attentionné, et les adolescents, et bien... ce sont des ados comme tous les autres. Mais collectivement, la loi de la meute et la peur de la racaille les transforment, que ce soit dans la version policée de la réunion des délégués, où les minoritaires subissent des pressions, ou dans la version brute, celle de la chasse au pauvre et du lynchage.
Remarquez, dehors, ce n'est pas forcément mieux, et le seul policier qui refuse la corruption (Là-bas, ça se dit : "Vous souhaitez investir dans notre institution ?") s'avère finalement être une brute qui passe ses nerfs et refoule sa frustration en tabassant les plus faibles.
Malgré quelques insistances un peu superflues (les remords de Daniel, par exemple), le scénario de Rodrigo Pla tisse habilement la montée de la tension et des antagonismes au sein de la communauté, et l'on pense souvent à certains westerns ou à Peckinpah. La réalisation est nerveuse, alternant des plans fixes de facture classqiue, des scènes filmées à la caméra portée comme dans un documentaire, et des images provenant des caméras de surveillance de ce Big Brother locatif, un peu comme dans "Redacted".
Après Alejandro González Iñárritu, Guillermo Del Toro, Alfonso Cuarón et Carlos Reygadas, le cinéma mexicain révèle un nouveau réalisateur à suivre et montre une nouvelle fois sa capacité à adapter les genres narratifs de l'époque à la réalité si particulière de ce pays.
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