Push aurait pu être un film d'action correct s'il avait seulement plus d'action, s'il s’était surtout plus assumé. Parce qu'on remarque rapidement une volonté de paraître pour plus intelligent, d'être plus complexe que ce qu'il pouvait être : il n'y a qu'à voir ce troisième acte pompeux, ultime débattements d'un scénario en perdition et qui, multipliant les twists sans les maîtriser, s'embourbe dans un conglomérat d'incohérences toujours plus hérissantes.
Alors on le suit avec un œil distrait, surpris du bordel inconséquent qu'on nous apporte, et de ce dernier plan certes pas trop mal fichu mais qui boucle l'intrigue sur une ultime note bâclée, vite amenée, certes porteuse d'un énième twist, mais suffisamment idiote pour annuler les précédents, sans même nous proposer quelque chose d'un peu plus décent, du moins un peu plus réfléchit. Drôle de note finale qui laisse le spectateur sur sa faim, elle confirme surtout l'impression que le scénario, à vouloir trop inventer, part dans un n'importe quoi de tous les instants, fait avec sincérité mais peu maîtrisé.
Cela, on s'en rend compte en premier avec sa mise en scène : clipesque mais pas trop bordélique, elle affiche le drôle de parti pris d'aligner couleurs sur couleurs, clichés visuels sur clichés visuels, en n'omettant pas de multiplier les techniques de mise en scène kitsch et bien répétitives. Surtout intéressante dans sa variété de dingueries, elle s'avère au final être l'une des visions les plus proches possibles de ce que doit être une adaptation de comics fidèle au cinéma, en respectant ses clichés, ses couleurs et ses drôles de travail de formes (les modifications corporelles au moment d'utiliser les pouvoirs sont d'un grotesque propre aux anciens récits pulps).
Cette tentative de coller au médium de base, ce respect de tout un pan de notre culture moderne fait plaisir à voir, et empêche Push de tomber dans les rangs des navets. Parce qu'en voyant cela, on ne peut qu'éprouver un certain capital sympathie à son sujet, même si Chris Evans joue comme un pied et que sa manière de filmer l'action ne fait jamais vraiment ressortir les pouvoirs de ses personnages.
C'est aussi cela qui lui fait le plus défaut : les particularités de ses méta-humains ne servent que de prétexte à construire une action différente en la montrant de manière banale; plus qu'un contexte de monde dystopique trop peu futuriste pour s'y plonger, n'aurait-il pas mieux fallu utiliser cette action, ces pouvoirs spéciaux (bien rangés en castes, d'ailleurs) pour, en plu d'étoffer l'univers, tenter d'innover dans le cadrage, la manière de filmer les combats, de mettre en scène les affrontements psychologiques?
Parce qu'on se retrouve en fait avec une version z des X-Men, quand on était en droit d'attendre une alternative correcte aux Marvel et autres DC. Et c'est parce que son propos n'épouse pas assez sa forme qu'il demeure si peu convaincant (en plus du fait qu'il multiplie tous les dialogues clichés possibles, conduisant le spectateur au point de pouvoir prévoir les répliques à venir) et que Push, à défaut d'être entré dans les annales, n'est retenu qu'en temps que série b sympathique, variante amusante et indépendante des films de comics, non pas comme une oeuvre intéressante, porteuse de thèmes bien approfondis, et affichant une véritable vision d'auteur. C'est un film de commande banal, dont la mise en scène a dix ans de retard (les effets clipesques de début 2000 sont prohibés depuis 2005) et qui n'est pas même porté par ses acteurs (si ce n'est par le talent habituel de Dakota Fanning).
L'année d'avant, on lui préfèrera Watchmen, d'un tout autre niveau, ou même la surprise Kick Ass, alternative exemplaire de ce qu'on peut faire avec des super-héros dans un cadre réaliste, parodique et au courant des codes autant que des travers d'un genre aujourd'hui pillé jusqu'à la moelle.