Après l’ouverture spectaculaire de la Phase 3 du Marvel Cinematic Universe avec l’excellent Captain America : Civil War des frères Russo sorti fin avril 2016, le studio dirigé par son grand gourou Kevin Feige poursuit sa troisième phase avec un deuxième film consacré à un tout nouveau super-héros des écuries Marvel encore jamais vu sur grand écran : Doctor Strange. Réalisé par Scott Derrickson, Doctor Strange avait de quoi intriguer car introduisant un nouvel univers dans le MCU à savoir la magie et le mysticisme qui entoure les aventures de son personnage. Et donc, sans être la meilleure production du genre, ce quatorzième film estampillé Marvel est un sympathique divertissement mais dont la forme et le scénario ont déjà été vu de très nombreuses fois… au risque de commencer sérieusement à lasser les spectateurs. Stephen Strange est un talentueux neurochirurgien qui, après un tragique accident de voiture, doit mettre son égo de côté et apprendre les secrets d’un monde caché de mysticisme et de dimensions alternatives. Basé à New York, dans le quartier de Greenwich Village, Stephen Strange doit jouer les intermédiaires entre le monde réel et ce qui se trouve au-delà, en utilisant un vaste éventail d’aptitudes métaphysiques et d’artefacts pour protéger la Terre et ses habitants. Les deux superproductions Marvel de l’année étant toutes deux sorties en salle, il est donc venu le temps de dresser un bilan de ce cru 2016. Ce fut en effet une très bonne année à mon sens pour Marvel Studio qui, avec son Captain America : Civil War comme inauguration de la Phase 3, à su combler les attentes avec un film spectaculaire et jouissif, sorte d’Avengers 3 avant l’heure. Puis après une pause de plusieurs mois, débarque dans les salles le film Doctor Strange, mettant en scène un personnage une fois de plus méconnu du grand public mais qui commence à s’habituer à l’introduction de nouveaux héros peu connu à l’image des Gardiens de la Galaxie (gros succès en 2014) et d’Ant-Man (petit succès pour Marvel, mais succès, en 2015). S’il fallait opposer ces deux opus Marvel de 2016, notre préférence ira forcément se ranger du côté de Captain America : Civil War plutôt que sur Doctor Strange de Scott Derrickson. Mais n’allez pas croire que Marvel nous livre un mauvais film de super-héros, au contraire, Doctor Strange se révèle être un sympathique divertissement de la Maison des Idées mais qui commence à révéler à mon goût les grandes limites du système du MCU et de la méthode Kevin Feige. En effet, le film de Scott Derrickson qui certes met en scène quelque chose d’assez nouveau dans le MCU avec la magie, les sorciers, les dimensions et les voyages métaphysiques colorés très visuels, n’est finalement pas très nouveau… Doctor Strange n’est rien d’autre qu’une simple origin story comme nous l’avons vu avec Iron Man (surtout avec ce film d’ailleurs) mais aussi Captain America : First Avenger ou Ant-Man. La structure narrative du film suit à la lettre les codes du genre : Stephen Strange est un éminent neurochirurgien qui se la pète comme jamais (=Tony Stark gros milliardaire vendeur d’arme à la grosse tête), un grave accident bouleverse sa vie (comme pour notre cher Tony Stark), notre héros se lance dans une quête d’identité et est amené à acquérir de grands pouvoirs (Tony Stark change de personnalité suite à son accident et s’invente une super-armure). En claire, avec ce quatorzième film Marvel, on peut dire que la surprise n’est plus là car jamais le spectateur n’a peur pour son héros et surtout qu’il connaît déjà la fin avant même que le film ne commence tant les enjeux et les motivations des méchants sont archi-classiques et ultra-prévisibles (le fameux : « Je veux détruire le monde » qui commence franchement à lasser et énerver). Un scénario forcément symbolique de la vision de Kevin Feige quand il s’agit d’introduire un nouveau personnage et une technique qui nous prend vraiment pour des pigeons il faut bien l’avouer. Mais preuve que la recette fonctionne car le public est au rendez-vous à chaque fois et que les films fonctionnent toujours bien au box-office. Mais il va falloir trouver de vrais scénarios plus originaux et nouveaux pour captiver d’avantage car la technique de l’origin story classique commence à lasser le spectateur, même fan comme moi du MCU. Hormis ce gros défaut de forme du scénario et de narration, Doctor Strange reste comme je l’ai dit un bon divertissement comme l’était Ant-Man par exemple. Une forme de routine s’est définitivement installée dans le MCU et elle ne peut être brisée que par les films choraux comme Avengers ou Captain America : Civil War, et encore. Mais donc, grâce à ce nouvel univers mystique et magique introduit par les aventures de Stephen Strange, le spectateur prend plaisir à suivre cette histoire où les trouvailles visuelles ne cessent de nous impressionner, nous avons probablement un des plus beaux Marvel visuellement parlant ! Entre délires psychédéliques, voyages inter-dimensionnels colorés, explorations d’espaces temporels, de dimensions Miroir ou Noire, Doctor Strange est juste jouissif avec des moments qui convoquent Matrix des sœurs Wachowski et Inception de Christopher Nolan. La mise en scène de Scott Derrickson est inventive et très dynamique, il y a en effet beaucoup d’action dans le film et aussi pas mal d’humour qui fonctionne très bien par moment (notamment la fameuse cape du docteur). Généralement pour ce qui est du divertissement et du côté ludique, Marvel sait y faire alors que pour les histoires originales, il y a encore beaucoup de travail à faire pour convaincre. Finalement, l’aspect série est de plus en plus flagrant au fil des films qui sortent par année puisque Doctor Strange livre avec ses deux scènes post-génériques de nombreux éléments intéressants pour la suite du MCU. Il s’agit peut-être du grand problème qui s’observe aussi pour tous les films du Marvel Cinematic Universe, les films ne semble là que pour introduire l’avenir à chaque fois, ils ne se contentent jamais d’être un seul et même film avec une identité propre, la notion d’univers étendu étant toujours là et pesante sur chaque film. Bien évidemment j’avoue apprécier beaucoup ces scènes post-génériques et je les attends avec impatience à chaque production Marvel, mais je commence à prendre conscience de la limite et du souci de cette idée qui limite l’identité que tente de se construire chaque film du MCU. En tant qu’origin story, Doctor Strange ne sert finalement qu’à introduire ce personnage et à préparer la suite, aussi bien sur Avengers : Infinity War que sur Thor : Ragnarok ou un éventuel Doctor Strange 2, ce qui fait qu’on pense désormais plus à la suite qu’au film lui-même qui risque d’être plus oubliable que les fondamentaux comme Iron Man, Avengers ou les Captain America à mon sens. Enfin, impossible de conclure sans évoquer le casting du film qui révèle également des points positifs et des limites de ce quatorzième opus du MCU. D’abord, Benedict Cumberbatch, le fameux interprète de Sherlock Holmes dans l’excellente série Sherlock et du dragon Smaug dans la trilogie du Hobbit, livre une très belle prestation dans le rôle du docteur et super-héros Stephen Strange, pleine de charisme et de classe, qui montre que l’acteur était destiné à jouer ce personnage notamment grâce à une certaine ressemblance physique avec le Stephen Strange des comics je trouve. L’acteur britannique apparaît alors comme une excellente recrue pour le MCU et on a hâte de voir comment il va s’introduire et interagir avec les Avengers par exemple. Ensuite, le reste du casting fait le boulot, Chiwetel Ejiofor et Tilda Swinton se révèlent à l’aise dans leur personnage, Mads Mikkelsen, excellent acteur de méchant au cinéma comme dans Casino Royale, livre avec Kaecilius un méchant une fois de plus très oubliable avec des motivations vues et revues et surtout très ennuyantes désormais, un personnage oubliable au même titre que Yellowjacket, Ronan l’Accusateur, Malekith ou Ultron. Si vous voulez de vrais méchants de l’univers Marvel, allez faire un tour du côté des séries Netflix comme Daredevil, Jessica Jones et Luke Cage pour avoir enfin des méchants intéressants, aux psychologies bien développées et aux motivations plus « originales » que détruire le monde. Et enfin, Rachel McAdams, très bonne actrice et à l’aise dans ce film, ne semble pourtant être là que pour tenir le rôle de la girl friend de Stephen Strange avec son personnage de l’infirmière Christine Palmer, un protagoniste vu et revu lui aussi et peu développé ici. En claire, le spectateur s’attache uniquement au docteur, ce qui était l’objectif principal du film, mais le reste du casting, qui livre certes des performances appliquées, est peu attachant du fait du très minime développement des personnages et de leur construction trop classique une fois encore. Doctor Strange de Scott Derrickson se résumerait donc par ce mot : classique. Un énième film de super-héros racontant des origines déjà vues mille fois dans un MCU certes toujours attachant et intéressant à suivre mais qui devrait sérieusement faire plus d’efforts dans ses histoires plutôt que de nous resservir la même sauce à chaque fois. Nous ne sommes pas des pigeons monsieur Feige, nous ne sommes pas attirés uniquement par l’action et le cool, nous voulons de vraies histoires, originales et prenantes, qui nous réservent plus de surprises que celles que vous nous servez depuis déjà de nombreuses années… Doctor Strange restera donc parmi les films Marvel les plus classiques et routiniers de Marvel comme Ant-Man, Les Gardiens de la Galaxie, Thor : Le Monde des Ténèbres ou Avengers : L’Ere d’Ultron, un film un peu oubliable malheureusement à cause de son histoire simple mais qui comme les autres est très agréable à regarder et nous fait passer un bon moment de détente. Au moins, c’est toujours plus sympas et mieux fait que Suicide Squad… Le prochain rendez-vous avec le MCU est donc fixé pour le 26 avril 2017 avec le très attendu et très excitant Les Gardiens de la Galaxie 2 toujours mis en scène par James Gunn !