Ant-man, l’arlésienne marvelienne ! Le voilà enfin ! Constamment en work in progress depuis de nombreuses années, avec un scénario exécuté et remanié avec pas moins de huit mains derrière le projet, il y a forcément de quoi avoir très peur du résultat, l’ombre de Edgar Wright planant au-dessus de l’ensemble. C’est aussi l’occasion pour Disney de se réinventer par la même occasion dans un genre toujours très populaire : celui du film de casse. Qui plus est, le long-métrage se pourvoit d’un challenge supplémentaire et de taille : celui de clôturer de la phase 2 du Marvel Cinematic Universe. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’aboutissement de l’ensemble est pour le moins… déroutant.
Clairement, ce n’est pas la prétention qui imprègne l’ambiance d’Ant-Man, tout du moins en tant que film. Peyton Reed, yes man sans ambition, accompli son forfait haut la main, sans aucune arnaque, ni crime de lèse-majesté envers l’empereur Disney. De sa mise en scène hyper formatée à son récit ultra balisé à tous crins, le réalisateur assemble ici un récit asservi à une seule volonté : celle d’exister à tout prix. S’ensuit donc une histoire où chaque séquence est convenue, attendue et nécessairement prévisible. L’intrigue amène donc des étapes obligatoires en terme d’enjeux, en ne bâtissant aucune surprise pour ce personnage en voie de rédemption, qui tentera de devenir un « héros véritable » pour sa fille : refus, acceptation, entraînement et en fin de compte, aboutissement. Mais c’est ce pourquoi nous sommes venus viendrez-vous me dire ? Après tout, nous sommes dans un film de super héros ! Mais l’écriture en tant que telle, avec un personnage aussi atypique et des pouvoirs bien plus originaux que n’importe lequel de ses futurs compères, frise la gifle de circonstance !
Car de manière très fainéante, l’orientation de cette même construction héroïque pourvu d’un tel potentiel, juxtaposé dans le genre film de casse, n’apporte finalement rien de plus à l’ensemble. Et le minimum attendu, était au moins d’amplifier, ou au moins de démarquer le récit pour aboutir à un nivellement par le haut. Avec deux emprunts pour une même direction (Je refuse d’être un héros/voleur – j’accepte et je m’entraîne à devenir un héros/voleur), le moins que l’on puisse dire, c’est que Ant-Man simplifie plus qu’à outrance l’histoire qui le voit naître. Et si la sympathie de Scott Lang, casté impeccablement au travers de Paul Rudd, fait digérer la pilule, entre deux remarques bien placées perdues au milieu de vannes plus évidentes, on appréciera largement moins la trop grande présence de son trio lourdingue de potes. Un parti pris bizarre, où des rôles quasi-tertiaires, particulièrement agaçants durant la deuxième partie, volent la vedette à Ant-Man, là où le film ne devrait uniquement se consacrer qu’à l’avènement de son héros. Dommageable s’il en est, l’intrigue ne trouve ses moments de grâce que dans des affrontements fort peu nombreux mais fichtrement dynamiques. Ponctué de quelques idées visuelles bien troussées, avec une baston épique à mi-parcours fort réjouissante, Ant-Man se laisse voir mais ne reste pas durablement dans les mémoires.
En tant que film, c’est plutôt un pouët de circonstance donc. Pas mauvais mais pas transcendant non plus. Mais concernant l’univers partagé et certaines références au comic book, là, au moins, l’homme-fourmi ne spolie pas le spectateur. Le film est riche d’infinis détails, d’easter eggs et de scènes de références. Là où le Avengers l’ère d’Ultron, se cantonnait à une radinerie et une maladresse absolue dans le domaine, lui qui aurait dû être le point de convergence de l’univers partagé, Ant-Man, l’air de rien, récupère le job de son grand frère pour l’exécuter haut la main. Se passant quelques mois après la création du nouveau QG des Avengers, il connecte admirablement la fin de phase 2 et entre-ouvre déjà celle de la phase 3 ! D’un combat exaltant contre Le Faucon à sa présence nécessaire dans Captain America Civil War, dans lequel un camp lui semble déjà tout désigné, Ant-Man s’ouvre à un champ d’action très large au sein du MCU. Antagoniste de Stark par respect envers son mentor, Scott Lang bénéficiera peut être d’un upgrade de ses pouvoirs dans le prochain film Marvel. Car si Pym détient des fioles de couleur pour rétrécir comme on peut le voir, on observera qu’il en détient aussi qui serviront certainement… à être plus grand! Une introduction à Giant Man ? Sait-on jamais. N’oublions pas non plus Cassie, la fille de Scott Lang. Dans le comics, elle incarne le rôle de Stature, une super héroïne qui détient les mêmes compétences que son père et qui appartient à l’équipe des Young Avengers. Il y a de la marge bien sûr mais cela laisse une porte d’entrée intéressante pour plus tard…
Mais Ant-Man sait aussi puiser sa mythologie dans le passé. On découvre donc que les aventures de l’homme-fourmi ont eu lieu bien auparavant. Une époque dans laquelle Hank Pym, premier Ant-man, a déjà travaillé avec Peggy Carter et Howard Stark, à la tête du Triskelion, le futur bâtiment qui abritera le SHIELD. Intéressant à plus d’un titre, cela augmente encore l’omniprésence de la connectivité totale et absolue du grand amour de Captain Amercia et de la mythologie qui en découlera. De là à dire que un Hank Pym jeune apparaîtra dans la prochaine saison de Agent Carter, il n’y a qu’un pas. L’ultime miniaturisation de Scott dans le finish du film, hommage à peine dérobé à Interstellar au passage, a sa part d’importance là aussi. Elle nous intronise au Microverse, dont la première victime fut Janet Van Dyne, feu La Guêpe. La disparition de cette dernière n’exclut désormais pas qu’en revenir est maintenant possible. Et si un Ant-Man 2 devait pointer le bout de son antenne, il est possible qu’il se consacrerait à exploiter ce monde inexploité et à se concentrer à partir à la recherche de la femme de Hank Pym. De plus, si Hope Van Dyne se voit reprendre le flambeau de sa mère dans un costume flambant neuf, notons que Evangeline Lilly, ainsi que Paul Rudd d’ailleurs, ont signé pour plusieurs apparitions à venir dans le planning du MCU. La phase 3 risque bien de voir débarquer des super héros miniaturisés dans pas mal de lieux différents, et ce, pendant pas mal de temps…
Enfin, si l’anecdote amusante concernant Spider-man propose une première entrée en matière du tisseur, un détail supplémentaire est à prendre en considération. La capsule perdue par Darren Cross est récupérée par HYDRA. Seulement, tous les chefs de l’organisation terroriste ont été supprimés, que ce soit dans Avengers l’ère d’Ultron ou bien dans Agents of SHIELD. Un peu tôt pour dire si l’objet servira dans les films à venir mais on aurait plutôt lieu de penser à un certain Grant Ward, nouveau leader auto-proclamé et qui a bien besoin de matériel de pointe pour sa vendetta personnelle envers Coulson et son équipe. Bref, Ant-Man, à ce niveau, convole comme un anti-Iron man 3 ! Il embarque avec lui des promesses, des références et des idées très appréciables et que l’on espère voir développer dans le futur.
De manière plus conclusive, Ant-Man n’a rien de foncièrement détestable en soi. Il est juste fichtrement paresseux, sans trop de surprises, et ce n’est pas son bad guy doté d’un complexe d’œdipe factice, qui arrange l’ensemble. Non, ce Ant-Man, on le voudrait juste meilleur, moins évident, plus incroyable, et infiniment plus racé au sein de toute l’écurie Marvel. Loin d’être un étalon, il accomplit sa basse besogne tel un cheval de trait, avec parfois quelques galops de circonstances pour s’essouffler assez vite la plupart du temps. Mais il a le mérite, et encore plus au travers de sa genèse chaotique, d’apporter un véritable plus en fin de phase dans le MCU, tout en étant visible par un large public. Marvel exécute donc un hold-up un brin foireux auprès de ses spectateurs ; celui de leur faire payer plein pot pour un film qui manque de corps en tant que tel, mais qui se trouve éminemment plus intéressant dans son univers partagé. Un produit fini loin d’être désagréable mais finalement assez frustrant en somme.