La première fois que j'ai vu ce film il y a dix ans, je ne savais pas trop quoi penser. Je ne me suis pas du tout ennuyé en le regardant, mais je suis quand même sorti du cinéma avec une certaine déception. J'ai toujours été amoureux de ce grand thème de la science fiction : le voyage dans le temps. Et qui n'a pas rêvé de revivre une partie de son enfance tout en gardant son point de vue d'adulte ?
Mais je m'étais attendu à un scénario qui explore certains aspects de la situation qui ne sont pas du tout abordé dans ce film. Si un adulte d'une soixantaine d'années a la possibilité de revivre ses quatorze ans, ne va-t-il pas refaire tout un tas de choses qu'il n'a pas pu expérimenter depuis des décennies ? Moi, personnellement, j’aurais profité de cette opportunité pour renouer des amitiés avec des anciens copains que j’ai perdu de vue depuis longtemps. J'aurais aussi essayé de mieux comprendre le contexte culturel dans lequel j'ai grandi -- après tout, la première fois qu'on vit les événements de son enfance, tout nous semble sans doute normal et inévitable. Enfant, on ne pose pas forcément de questions sur l'arbitraire de notre culture ou des moeurs de notre famille. Mais est-ce qu'on peut le faire, adulte ?
Bien que le film s'intéresse un tout petit peu à ces thèmes-là -- et il y a bien sûr un certain soin apporté aux détails du décor et de l'ambiance des années soixante -- en réalité notre héros n'a pas trop de temps pour se poser ce type de question. Il ne va pas non plus se lancer dans la pleine jouissance de l'enfance pure et simple, oubliée depuis si longtemps. Non, il est obnubilé par une chose et une seule chose : quand il avait 14 ans, son père a quitté sa famille, et cette fois-ci, Thomas va faire tout ce qu'il peut pour empêcher cet événement fatidique.
Comme beaucoup de spectateurs ont fait remarqué, le jeu des acteurs semble souvent tomber à plat. En plus, on a parfois l'impression que les scènes ne se terminent pas, mais plutôt qu’on les laisse tomber. C'est presque comme s'il y a quelque chose qui manque -- des détails supprimés au moment du montage, peut-être.
Et pourtant, je n'ai pas oublié le film pendant ces 10 dernières années. Quand j'ai vu l'autre jour qu’il était disponible sur un site streaming en ligne, je n’ai pas hésité. Oui, si j'avais écrit le scénario, j'aurais exploré des pistes différentes, mais cette fois-ci ce qui m'a beaucoup touché c'était justement la lenteur du film qui m'avait déconcertée la première fois. Tout se passe comme dans une sorte de rêve : on a parfois l'impression de regarder des scènes de loin. Ca risque de ne pas provoquer beaucoup d’émotions chez le spectateur, mais si on est attentif, on aperçoit qu’il y a quelque chose de mystérieux dans tout cela, et quelque chose de triste. Considérez, par exemple, l'importante scène à la gare
où Thomas rate sa dernière opportunité d'empêcher son père de partir.
On s'attend à une scène de grande émotion, mais tout se passe doucement, tristement. Il n'y a en fin de compte qu'une résignation tragique. On ne peut pas changer le passé, et les scènes traumatiques de l'enfance ne cesseront jamais de nous hanter.
"Quartier Lointain" est donc devenu pour moi une réflexion sur l'étrange immuabilité du passé, parfois raté sur certains détails, mais très juste dans l'ensemble.