Black Panther a d’abord été considéré comme trop confusant pour titre, du fait de la création quasi-simultanée du personnage et du parti politique en 1966. Mais finalement, on s’est mis raccord : se réfugiant en Californie pour éviter le mal du pays à l’équipe de tournage, le film a des goûts de Côte Est, et n’est pas sans rappeler une certaine altercation de Forrest Gump avec les leaders Noirs, où l’Afrique moulue chez Hollywood qu’on avait dispensée dans L’Exorciste 2.
Ces bribes familières, qui donnent un ton ambré très cosy, introduisent ce dont je pense qu’il faut parler comme d’un petit miracle : le Wakanda, pays imaginaire au même titre que tout le MCU (lequel a pourtant démarré dans une année 2008 bien réelle), est une extrapolation vraiment propre du trou laissé par l’Afrique dans le monde artistique contemporain.
Il y a vraiment du jamais-vu dans cette prise de position d’un pays Noir au-dessus des puissances mondiales, pas seulement historique mais artistique ; et en-dedans, cet exotisme paraît même avoir été peu familier aux scénaristes, qui jouent avec leur trouvaille comme s’ils se surprenaient eux-mêmes. Avec sa bonne dose d’utopie et son zeste de suffisance, Black Panther renverse le monde comme une pièce, nous emportant dans ses éclairages fameux et… mine de rien, dans peu d’effets spéciaux. Dans peu de musique aussi, ce qui n’est pas à son avantage : quelques percussions, c’est léger pour aller de pair avec l’investissement costumier.
Il y a de la maladresse dans la reproduction rituelle du Wakanda, des décalages qui ne peuvent pas entièrement être mis sur le compte du « pays africain cachant qu’il est riche et technologiquement avancé » ; les rites sont empruntés, ne reposent que sur le verbe et ne prennent jamais vraiment leur place. Ce qui prend sa place tout seul, en revanche, c’est le cosmopolitisme et le mensonge, des intrigues politiques qui nous éloignent du monde des super-héros plus que tout autre film de la franchise.
C’est Dorothy qui s’éloigne avec Michael Jackson sur la route de briques jaunes où ils ne peuvent apparemment pas se salir (sérieux, les Wakandais ont une supertechnologie de maquillage pour être lisses et propres en plein combat ?), où la royauté ne vaut certes pas grand chose de plus que le mot « king » prononcé avec force et accent, mais où les méchants ont pour une fois une genèse réfléchie en plus de l’interprétation plus que correcte de Michael B. Jordan. Par contre, les gens, la mégalomanie n’est plus à la mode.
septiemeartetdemi.com