Black Panther, c'est le film un peu osef qui parvient à faire son bout de chemin à la surprise générale. Adaptant un personnage tout juste apparu dans Civil War (l'un des meilleurs points du film, par ailleurs), ce nouveau Marvel devait mettre en avant la culture africaine au sein d'un nouvel univers particulier dans le MCU, sans pour autant virer dans l'origin story classique. Pari réussi? A demi-teinte.
Comme tout film Marvel, Black Panther peine à s'ouvrir; les dialogues sont lourds, la mise en scène peu inspirée, les acteurs peu dynamiques. Mais rapidement, dès que l'intrigue s'envole et que les enjeux du scénario se révèlent, l'oeuvre paraît de suite plus à l'aise. On entre dans un univers cohérent, raffiné et très bien designé des plus fidèles à la vision des comics. La culture africaine y est par ailleurs très bien représentée, mise en avant avec talent dans tout ce qu'elle a de plus sincère et spontané.
C'est joyeux, rythmé, bien rythmé, surtout, et l'univers graphique du wakanda est très bien travaillé. Et si la première partie nous présente la culture et le cadre d'évolution des personnages de manière cohérente et suffisante, la seconde permettra de réellement nuancer le film en y amenant un méchant à la psychologie extrêmement bien élaborée, profonde et touchante.
Il s'agit là de Killmonger, sorte de chien de guerre rendu comme tel par une société extérieure ultra-violente, et sans trop en révéler sur sa personnalité, vous verrez qu'il a sûrement le meilleur approfondissement psychologique de tous les méchants du MCU, la personnalité la plus profonde et humaine. C'est un personnage attachant, d'une certaine manière, interprété à la perfection par un Michael B. Jordan au charisme imposant. Il en jette, en impose, jusqu'à la fameuse scène de combat sur la falaise, épique et poignante.
La seule scène de combat à peu près lisible de tout le film, par ailleurs, qui pâtit d'une mise en scène beaucoup trop incertaine et mouvementée dans les combats, qui empêche le spectateur de prendre le plaisir qu'il devrait prendre à suivre son héros, T'Challa (au demeurant toujours très bien interprété par Chadwick Boseman), se battre et sauver sa vie, sinon le monde.
A cela vient s'ajouter l'irrégularité de la mise en scène de Ryan Coogler, qui s'il met au point quelques cadrages avec de la gueule, des ralentis sur fond de musique chill qui pètent la classe au plus haut point, tombera facilement dans les travers des autres films du MCU, en respectant un cahier des charges prédéfini depuis le premier Iron Man, et qui ne fait jamais évoluer le ton, le timbre d'image de sa mise en scène (à quelques exceptions prêt, bien sûr).
Là est aussi le problème de Black Panther : c'est un film qui, s'il pouvait s'attendre comme un vent de fraicheur dans un univers développé dans tous les sens (avec une maîtrise certaine), se contente d'être un film de commande certes réussi, mais sans réelle vision d'auteur. Quelques plans marqueront, comme je l'ai dit, des décors, aussi (à la colorimétrie qui n'est pas sans rappeler du Snyder; depuis Ragnarok, il est flagrant que Snyder a codifié le genre depuis 300 et BvS), mais ce respect de codes basiques gâche bien des choses.
Notamment cet humour, qui s'il était pleinement assumé dans Thor : Ragnarök, se trouve ici par petits ajouts ruinant tout de même quelques passages clés, pour ne pas dire dramatiques, du film; la fameuse scène du "Vous n'auriez pas une couverture?" témoignera d'un nouveau problème du MCU, le brisement de ses enjeux pour faire rire la galerie, côté dramatique sacrifié sur l'autel des tristes déceptions au profit du divertissement pur et dur.
De fait, il est dur de s'attacher à des personnages qui, s'ils sont sérieux la plupart du temps, ne le sont pas quand il le faut. terrible manque d'enjeux qui se répercute jusque dans le combat final, bordélique et sans aucun souffle, où les deux camps s'affrontent sans qu'une seule goutte de sang ne coule. Ils se frappent, se parent et se tuent, et l'on a l'impression qu'il se battent à coup d'épées et de bâtons en mousse et en plastique (en plus du fait que l'armure occultant tout dégât corporel à Black Panther, on ne craint plus pour sa vie). Dur de rentrer dedans, à ce que compte ci.
Il en ira de même pour la conclusion décevante du film, face à un très beau coucher de soleil : bâclée, elle fait preuve d'un manque d'enjeux pourtant développés quelques secondes avant, des enjeux auparavant touchants qu'elle détruit par un mauvais cadrage sans aucune sensibilité. Décevant dans sa mise en scène, donc, mais joli par certains moments (le passage dans le casino est un délice).
Un délice de mise en scène (avant ce combat peu lisible qui donnera cependant la pare-belle à des cascades en véhicule des plus réussies) et dé références, qui se comptent par dizaines tout du long; du Batman, du Predator, du Star Wars, du James Bond et du Mission Impossible, l'amateur trouvera ici chaussure à son pied pour passer un bon moment de détente.
Et c'est ce qu'est Black Panther, un bon moment de détente avec quelques thèmes de société développés. L'effort était intéressant pour un blockbuster aussi codifié qu'un film Disney/Marvel, mais il est bien évidemment gâché par ce même cahier des charges qui fait ses qualités d'écriture. C'est une oeuvre complète, aboutie, imparfaite mais des plus agréables, qui déçoit cependant par son manque d'enjeux et ses imperfections : car si Thor : Ragnarök assumait à fond son délire comique, Black Panther était en droit de partir à fond dans un trip sérieux, sombre. Sûrement que ce sera pour Infinity War, au final...