Difficile pour le Marvel Cinematic Univers, qui vient d’enchainer des œuvres inabouties, de relancer le débat. Ce nouvel opus, et dernier la phase avant le prochain grand rassemblement, ne rime pas plus avec passerelle qu’avec originalité. Le divertissement est amoindri par un caractère soporifique très contrariant. Malgré cela, le réalisateur de « Creed - L'Héritage de Rocky Balboa » souhaite lâcher autant de messages qu’il le peut auprès du grand studio Hollywoodien. Ryan Coogler apporte ainsi un vent de colère et un sentiment de revanche, où l’utopie déborde sur les propos.
Récemment découvert sur les écrans, T’Challa (Chadwick Boseman), prince du Wakanda hérite du trône et son spin-off ne dément pas sur les valeurs royales qu’on en vient à discuter. Sur un ton très classique, les nuances sont moindres mais le récit nous promet tout de même quelques surprises. On se concentre dans un premier temps sur le nouvel environnement d’une Nation Africaine, riche par bien des aspects. Les ressources intactes permettent à ce pays de développer sa propre unité technologique très avancée, qu’il n’est pas encore prêt à partager avec le reste du monde. La notion de confinement et d’isolation est le fondement de ce peuple de guerriers mais aussi d’agriculteurs, en phase avec la nature. Cependant, ce sont des aspects qui ne sont montrés qu’à moitié et on peut en ressortir frustrer pour en apprendre si peu, étant donné le potentiel. Le Wakanda n’est pas rendu à sa juste valeur, car on use de plan qui nous mette à l’écart de cette cité cachée. On ne s’en rapproche à aucun moment et tout le visionnage se résume à une lecture lointaine de cette richesse qui ne sera sans doute pas exploitée avant le prochain Avengers. Jouer la carte du suspense est un sentiment qui se justifie, mais pas assez pour manquer de rigueur et pour délaisser cette œuvre livrée à un manque évident de consistance.
Avec son casting de qualité, essentiellement constitué d’africains ou d’afro-américains, Les seconds rôles ne manquent pas à l’appel et mérite une place de premier choix, jusqu’à même effacer le héros aux griffes affutées. Okoye (Danai Gurira) est la guerrière la plus fier du royaume. Elle défend aveuglément les traditions et elle véhicule toute la puissance de femmes indépendantes, qui luttent contre les hommes et l’amour. Leur place est hautement justifiée du fait d’un contexte qui évoque à la fois la domination et l’oppression d’un système. Les rues d’Amérique sont devenues le refuge de conflits qui n’engendre que de la souffrance et le film se permet d’exploiter ce filon pour apprécier une approche très satirique. Rompre avec les traditions, c’est rompre avec ses racines. Cela est nécessaire pour ouvrir les portes de l’évolution et de la cohabitation. On aura beau alimenter l’intrigue par une noblesse controversée du côté de T’Challa, mais il y aura plus de matière à en tirer de sa némésis, véritable fil conducteur d’un deuxième acte plutôt assommant.
C’est pourquoi le film permet à Michael B. Jordan de se relancer dans l’univers Marvel, à l’image de Chris Evans, reconverti en Captain America. Il incarne Erik Killmonger, un méchant crédible à partir de sa nature vengeresse, pas si manichéen que cela. Il est touchant dans sa quête de justice et détestable pour son ambition qui le régresse progressivement. Cependant, il doit s’agir d’un des rares vilains de l’univers qui hérite d’un bon traitement, nuancé à petite dose. Nous ne boudons pas non plus le casting minoritaire de blancs, où l’agent de la CIA Erik K. Ross (Martin Freeman), déjà aperçu dans « Captain America : Civil War », s’illustre enfin. Et dans l’autre camp, Ulysses Klaue laisse plus de place au visage d’Andy Serkis, où il rafraichit l’atmosphère grâce à son charisme apaisant et ses lignes de dialogues cohérentes.
Plus amer qu’apétissant, « Back Panther », à l’image de son eldorado, cache encore du potentiel qu’il aurait fallu exploiter ici même. Déséquilibré de bout en bout, l’humour ne rattrape pas les scènes d’action, trop calculées et prévisible pour gagner en crédibilité. Il y a donc un sérieux manque de pertinence dans la mise en scène qui se veut trop aisée par moment. Le constat est le même pour les transitions. Cela se résume par un manque de folie de d’empreinte du réalisateur. De ce fait, il ne parvient pas à totalement nous séduire. On s’éparpille sans cesse, jusqu’au dénouement, rushé, confus et illisible à notre plus grand désarroi. Tout n’est pas à jeter mais il y a de quoi être déçu d’une prestation moyenne dans un ensemble qui retient ses coups, que ce soit sur le front politique ou utopique.