Je pensais ce film perdu, introuvable en français, mais voici pour mon plus grand bonheur qu'il sort en DVD restauré, mais pas trop, pour faire plaisir à ce qu'aurait voulu Marker.
Et c'est avec stupeur que je vois que l'on résume bien souvent ce film (comme on résume bien souvent la carrière de Marker à la jetée) à sa courte scène de 2 min où il passe la même séquence trois fois en changeant le commentaire. Comme si Lettre de Sibérie ce n'était que ça. Or non, ce n'est pas que ça, au contraire, c'est un documentaire, un film qui interroge les images et qui le fait comme toujours avec beaucoup d'intelligence et de pertinence, mais je trouve que c'est avant tout drôle.
Le film est en effet parcouru par plusieurs scènes vraiment drôles, la pub pour le renne, la séquence sur le Mammouth, ou bien même dans les commentaires, lorsqu'il dit que le fait qu'il n'y ait aucune femme c'est triste, puis qu'il y en a une seule, c'est pire encore.
Ce qui est fabuleux avec Chris Marker c'est qu'il s'attaque toujours à des sujets et que tout en traitant ces sujets il va parler d'autre chose plus profond mais sans jamais dénigrer le sujet de base. J'en veux pour preuve le génial chats perchés. Et là c'est pareil, il se sert de la Sibérie pour parler des gens qui y vivent, de la façon dont ils vivent, des légendes, on interrogent les images, leur sens et malgré le fait que ça ne soit pas forcément beau comme "endroit" ça donne quelque part envie.
Je pense à la séquence d'introduction dont la beauté sobre pourrait illustrer la pochette d'un album de Drudkh.
Marker n'oublie rien, ni la poésie, ni l'émotion. Pensons à cette scène magique en hommage à Yves Montand où l'on voit les sibériens filmés en gros plans avec cette sublime musique en fond.
Et le mieux dans tout cela, c'est qu'en plus d'être beau, intelligent, émouvant, poétique, on apprend des choses sur ce coin reculé du monde.