Lorsque HBO s'attaque à un récit d'anthologie fondateur et ayant déjà fait l'objet d'un film par Truffaut, on ne peut qu'être àla fois curieux et craintif.
Alors pour commencer Ramin Bahrani (déjà derrière le très bon 99 Homes) a su moderniser le récit culte de Ray Bradbury (qui parait un peu désuet à l'heure du XXIe siècle) en l'adaptant à la technologie et société actuelle.
Ici il n'est plus question d'éradiquer seulement les livres, mais tout ce qui concerne des vestiges de notre civilisation, à savoir écrits, presse, films, musique, photographie, art et toute forme de propriété artistique et intellectuelle.
Le film commence de manière assez abrupte en terme de présentation d'univers (après un excellent générique d'ouverture), nous montrant un futur dystopique où les réseaux sociaux et la populace qui réagit en continu est le seul et unique divertissement,le tout agrémenté d'une interface à la Big Brother, présente dans chaque habitat ou lieu public.
Comme un Black Mirror, cette version joue habilement avec son postulat de base en l'implémentant à merveille dans cette version de Fahrenheit 451 saupoudré de 1984 de George Orwell.
Le trio d'acteurs principal est l'autre gros point fort du film, parvenant la plupart du temps à faire oublier la faiblesse de certaines séquences en terme d'impact ou de narration.
Michael B.Jordan campe un Guy Montag extrêmement convaincant ; Michael Shannon un John Beatty "bad guy" charismatique fidèle à lui-même; et enfin Sofia Boutella apporte de la sensibilité et de la sincérité à Clarisse.
Les joutes verbales entre Jordan et Shannon,ainsi que les (trop rares) scènes plus intimistes entre Jordan et Boutella sont donc très efficaces grâce à leurs interprètes et la direction d'acteurs.
Passons maintenant aux défauts, qui nuisent quand même à l'ensemble du film, notamment à cause d'une durée de 1h36 liée à des coupes importantes.
On notera en premier lieu des raccourcis et autres facilités scénaristiques qui impactent la progression parfois hachée du récit.
Le personnage ultra important de Mildred (qui devait être joué par Laura Harrier) a été purement coupé de la version finale : ce qu'on gagne donc en rythme,on le perd forcément en profondeur, portée émotionnelle et développement de Montag (et par extension de l'histoire globale
C'est d'autant plus dommage que lorsque le film se pose c'est là qu'il est le meilleur, en mettant à l'épreuve ces personnages à travers leurs propres questionnements internes et remises en question (même Beatty a été écrit de manière plus ambiguë que dans le récit de base, en mettant l'accent sur la fascination et l'influence des écrits, même pour des personnages ne flanchant jamais dans cette ligne de conduite vouée à l'eugénisme pour un monde "uni, heureux et en paix"
En conclusion, ce Fahrenheit 451 se révèle une chouette surprise malgré des coupes et raccourcis grossiers qui nuisent à la puissance évocatrice et la structure narrative d'un récit culte, mais le tout se révèle quand mêmepertinent pertinent, dôté d'un solide casting, d'une OST convaincante et de quelques séquences emplies de tension.