Michael B. Jordan, c'est le genre d'acteurs à la carrière intéressante dès son commencement. Débutant par la série Sur écoute (considérée comme meilleure série de tous les temps par nombre de spectateurs fascinés), pour ensuite se faire connaître d'une part du grand public dans les excellents Chronicle et Creed. L'on passera outre la catastrophe Les 4 Fantastiques (2015), aisément rattrapé par son personnage de Killmonger dans le très bon Black Panther et l'annonce d'un Creed 2 pour 2019.
Avec une aussi bonne carrière à son jeune âge, l'annonce d'un Fahrenheit 451 avec Jordan en héros et Michael Shannon en antagoniste ne pouvait être que de l'or en bouche; balancé par Netflix, le film laissait présageait être une excellente adaptation. Loin de moi cette idée une fois le visionnage achevé, laissant une terrible impression d'inachevé chez un spectateur déçu comme pas deux.
Si l'on omet le jeu horriblement caricatural de Michael "Zod" Shannon, le couple des héros donnera tout son sel au film : d'un côté, un Jordan qui joue un personnage tiraillé entre deux univers, entre sa vie d'avant et celle qui s'offre à lui, et de l'autre s'amène une tout aussi talentueuse Sodia Boutella, tentatrice du monde des mots bien plus à sa place ici que dans la momie.
Si leur couple se met bien en place et leur relation ne souffre pas d'une écriture bancale et peu approfondie, le reste du film patira clairement de ces défauts au point de se demander si la relecture de l'intrigue ne fut pas bâclée en deux temps trois mouvements. Outre une psychologie des personnages peu bossée (pour chacun d'entre eux, dont un Jordan qui base son interprétation sur des thèmes traumatiques trop récurrents dans le cinéma de genre pour constituer une personnalité crédible et pertinente), l'on notera des incohérences malvenues et facilement supprimables pourtant.
La plus grossière concernera le personnage Shannon, qui s'il combat l'écriture, la lecture et les mots avec haine et véhémence, encore faudra-t-il m'expliquer comment il est crédible et logique de le voir rentrer chez lui une fois son service terminé, et commencer à écrire des textes philosophiques de mal être psychologique sur des feuilles à rouler sans qu'il n'y ai jamais la moindre remise en question de sa part, comme ses actions pourraient le laisser deviner.
Il demeure caricatural du début à la fin, manichéen à en crever; Boutella est également touchée par ce problème, sorte de princesse toute gentille et bienfaitrice que Jordan, le chevalier gris, devra sauver en même temps que les mots, donc le monde. Seul problème, les mots n'y trouvent pas l'importance qu'ils devraient, la réflexion les concernant se contentant de se résumer à quelques petites références à quelques livres disséminées par ci par là, quand ce ne sont pas des formulations pompeuses concernant leur pouvoir et leur importance pour notre vie.
Il n'y a jamais de réelle remise en question, de réflexion poussée qui marquerait un spectateur venu pour cela de base; non, cette version 2018 du chef-d'oeuvre littéraire préfère sacrifier la thématique philosophique et politique de base sur l'autel des sentiments exacerbés des grosses productions américaines (sans même en être une), s'enfermant dans un pathos prévisible et rabâché tant de fois ailleurs qu'on sait instinctivement où le film veut tout le temps en venir, sans qu'aucun twist ou moments forts ne nous surprennent un brin.
Une écriture d'autant plus rabaissante pour l'oeuvre que sa forme ne permet pas de crédibiliser son fond; mollement réalisé, Fahrenheit 451 tient plus du dtv asylum que du film Netflix à proprement parlé, ne sachant pas comment filmer les scènes de tension, les flammes qui s'étendent toujours plus et les moments dramatiques essentiels. Drôlement handicapant pour un film qui se basait sur ses sentiments plutôt que sur sa réflexion, qui se révèle au final superficiel à défaut d'être sincère et profond. Une déception en demi-teinte demeurant un bon petit film du dimanche, mais manquant clairement de substance pour qu'on dise seulement de lui qu'il est médiocre.