Après la "mauvaise expérience" d'Alice et son pays merveilleux, Tim Burton accepte de réaliser le projet tant voulu par Johnny Depp : l'adaptation de la série TV "Dark Shadows. Feuilleton fantastique des années 60-70, cette fiction, inclassable tant par la diversité de ses registres, eut un succès populaire aux Etats-Unis malgré son atmosphère en même temps froide et bizarre. C'est précisément cet esprit contrasté que Burton voulut transmettre dans son adaptation, plus que l'adapter fidèlement. Le film se passe dans deux époques constamment différentes. D'abord, en 1752, Barnabas Collins, le protagoniste central du film, est présenté comme un Dom Juan imbu de lui-même et riche. Possédant une entreprise maritime florissante, il se plait dans la fortune et les joies sexuelles de vivre. Cependant, Angélique, amante trompée se révélant être une sorcière manipulatrice, maudit sa famille et le fait chasser de sa propriété, en le métamorphosant en vampire. Il sort de son sommeil en 1972 et retrouve les nouveaux descendants familiaux. Bien que névrosée et en crise, elle devra malgré tout compter sur ce vampire mal dans sa peau pour retrouver un bonheur familial d'antan. Tim Burton aide à retrouver ses thèmes au sein d'un genre qui est nouveau dans sa filmographie : le mélodrame. En effet, il arrive à livrer une expérience cinématographique aux tons très divers. Tantôt comique à la Addams Family, tantôt satirique, tantôt effrayant, tantôt émouvant, le film joue sur nos émotions et arrive presque à un même résultat que la série originale : une atmosphère étrange et amère, dans laquelle côtoient plusieurs personnages captivants. Le casting est riche de talent et mérite toute l'attention (en VO, de préférence !) : Johnny Depp incarne un très bon outsider attachant et inquiétant ; Eva Green livre une sorcière exubérante, détestable mais vraiment touchante par sa fragilité. Les thématiques demeurent nombreuses dans ce film, ancrées dans les émotions de Burton : la thématique du monstre est exploité à sa démesure par la relation entre Barnabas et Angélique, deux opposants pourtant si proches par leur psychologie instable, ou celle de la famille, qui engendre de lourdes responsabilités en même temps que des joies de vivre atypiques. Le film est en lui-même très généreux et offre un sublime hommage à l'ambiance du film gothique des Hammer. Beau, fouillé et vraiment intéressant, le film se heurte malgré tout à une baisse de rythme, dû à la lourde tâche de transposer un feuilleton télévisé. Le fil narratif se perd quelquefois et des personnnages intéressants en pâtirent, comme celui de Helena Bonham Carter mineure et intéressante. Mais, Tim Burton offre avant tout avec ce film un défouloir culturel hallucinant et généreux, surtout pour sa dernière partie. Dark Shadows fait bel et bien parti de la famille de Burton, place ambigüe mais tout à fait méritée pour sa sincérité personnelle et osée. Si le film promet de diviser les opinions, Burton compose une pièce maîtresse de son oeuvre très belle et saisissante d'émotions.