Toujours aussi engagé, Ken Loach quitte l’Irlande des années 20 pour mieux ausculter le situation sociale de l’Angleterre à travers, ici, l’exploitation des immigrés clandestins. Une catégorie de personnes dont le nombre s’est très fortement accru suite à l’élargissement de l’Union Européenne, en 2004, et que va fréquenter Angie, son héroïne. Jeune, énergique et ambitieuse, mais n’ayant pas fait d’études, cette dernière décide, un beau jour, de prendre son avenir en main, et monte, avec sa colocataire, Rose, un cabinet de recrutement. Si elle fait d’abord sensation, avec sa veste en cuir et sa moto, et semble appréciée des acteurs du monde nébuleux dans lequel elle se met à graviter, elle se met vite à perdre les pédales et à franchir, à son insu, la frontière qui sépare “travail” et “exploitation”, à ses risques et périls. Car bien qu’elle clame que “it’s a free world”, ses actes ne pourront rester sans conséquences négatives, tant pour elle que pour son entourage, à commencer par son jeune fils dont elle lutte pour obtenir la garde. Ce faisant, Ken Loach confronte différents types de personnages autour des notions d’exploitation et d’injustice, et, au fil des actions de chacun, remise tout manichéisme au placard, en même temps qu’il semble nous interroger nous-mêmes, quant aux limites que nous serions prêts à franchir pour survivre et assurer la subsistance de nos proches. Un thème qui trouve son paroxysme dans la dernière partie, lorsque le drame social se mue en thriller à l’issue plus qu’incertaine. Un dernier acte qui, s’il prend aux tripes, est, paradoxalement, le moins convaincant du nouvel opus du réalisateur, ne serait-ce que par l’utilisation d’une musique qui sonne trop “thriller”, et rompt le réalisme en place jusque-là, autant dans le jeu des acteurs (tous inconnus) que dans le refus de tout effet gratuit. Mais même un peu moins forte, la première claque de ce début d’année est toujours aussi douloureuse.