"Rumba" joue la carte de la comédie "cheap" et déjantée. Ça peut être très drôle quand on rentre dedans, et de ce point de vue le début du film est plutôt entraînant. Rire et danse sont au programme, et meublent une bonne vingtaine de minutes, jusqu'à ce que le soufflé retombe... – Puis l'« accident » apporte un nouveau souffle, et un peu de fraîcheur, grâce à quelques trouvailles, et puis à nouveau le soufflé retombe... presque définitivement. Une scène – les retrouvailles de Dominique et Fiona avec Gérard – relance un peu la machine en mêlant de façon réussie comique et tragique. Puis tout cela finit par tourner en rond : les trouvailles visuelles et comiques – les deux points forts de "Rumba", qui sont presque sa carte d'identité – se répètent sans apporter quoi que ce soit de nouveau, et ne parviennent plus guère à masquer la pauvreté du scénario. À cet égard, la durée du film – une petite heure et demie, ou une grosse heure – est révélatrice d'une difficulté à trouver un rythme : il aurait été bien plus efficace soit resserré sous forme de court métrage en taillant dans le vif des scènes inutiles, soit allongé et soutenu par un scénario digne de ce nom.
À ce niveau, le parti-pris résolument "cheap" de "Rumba" – ultra-simplicité de la narration, des personnages et des décors, quasi-absence de dialogues, nuit américaine, effet « fond bleu raté » – devient un désavantage, et presque l'indice d'une absence d'ambition : j'ai eu l'impression, peut-être fausse, que les réalisateurs-acteurs s'étaient complu à ne pas exploiter au maximum leurs possibilités, préférant être le gros poisson dans le petit bocal d'un cinéma « potache-amateur » tirant parfois sur l'expérimentation un peu forcée, qu'un poisson moyen dans le gros bocal d'un cinéma plus adulte. (Le refuser de la technique est peut-être plus efficace en littérature – cf. par exemple Carver – ou en musique – cf. par exemple Daniel Johnston ou les Moldy Peaches – qu'au cinéma.) Il y avait la place, me semble-t-il, pour traiter un sujet aussi intéressant que celui de "Rumba" en gardant le même parti-pris (mélanger danse et rire sur un sujet a priori peu adapté) et la même tonalité générale – mais avec un scénario et des personnages dignes de ce nom, et surtout prendre un peu plus de risques. Pourquoi en pas avoir seulement essayé de mettre une caméra en mouvement, au moins une fois, pour voir. Finalement, regarder "Rumba", c'est un peu comme mâcher un chewing-gum pendant deux heures : ça finit par perdre de son goût, et on se dit qu'on aurait pu profiter de ce temps pour avaler quelque chose d'un peu plus consistant.