Encore un OVNI pour Abel, Romy et Gordon, après "L'iceberg" (2006). "Rumba" se présente comme un objet atypique, séduisant, fragile et incomestible sans une quelconque connaissance des dispositifs du cinéma burlesque, muet et des effets de mimes. Film dansé, étoilé, défilé, "Rumba" est une petite chanson discrète mais forte, qui mêle la magie du plan au scintillements secrets du silence. Tout est dans le visage et le corps, dans l'addition peu commune de la primalité de l'acteur (clown avant d'interpréter, danseur avant de parler, mime avant de pleurer) au centre d'un cadre savoureusement multicolore. Pourtant, il y a une inégalité un peu regrettable dans ce nouvel opus, comme si les meilleures idées (la scène des béquilles en pleine classe d'anglais est assurément la séquence comique de l'année!) se confondaient entre elles à tel point que certaines paraissent moins fortes, moins exploitées, moins drôles et moins touchantes. Dommage aussi que, pour des artistes qui prônent l'utilisation du corps humain en tant que dialogue, en tant que base véritable, l'apparition de quelques effets spéciaux (notamment les arrières-plans en voiture) viennent artificialiser l'ensemble. Des séquences réussies, belles, lunaires (la danse des ombres est un magnifique écho au désespoir refusé), laissent place à d'autres séquences, plus rigides, plus mécaniques, moins drôles (l'accident). Mais il y a tout de même une certaine assurance, une maîtrise esthétique et corporelle indéniable, et surtout, une audace peu commune dans le cinéma d'aujourd'hui. Ces agitateurs de l'âme, ces brouilleurs de pistes cinématographiques, ces comiques touchants parce qu'ils sont justement dans la parfaite ligne des gags absurdes infligés à un quotidien dérisoire, n'ont peur de rien, ni du vide, ni du désincarné, ni du ratage. Leur cinéma avance parce qu'il rate. Son moteur est avant tout une énergie qui fonctionne par l'échec. Il y a de la nostalgie aussi, d'une époque où les mots n'avaient guère d'importan