Partant d'une situation absurde (une maison plantée au bord d'une bretelle d'autoroute inutilisée), Ursula Meier réalise avec Home un survival particulièrement original. Il s'agit en effet de survie, celle d'une famille quasiment coupée du monde (plutôt volontairement) qui va tout faire pour maintenir son équilibre quoiqu'il arrive. On démarre donc dans une ambiance légère et ensoleillée. Entre la mère aimante et névrosée, le père chef de meute, la fille aînée oisive, la seconde complexée et matheuse, et le benjamin joueur, le sentiment d'appartenance à une tribu est évident. Au bord de la route déserte, on clope, on partage la salle de bains, on s'amuse, on mange. La journée est rythmée par le départ et le retour du père au travail et des enfants à l'école, la mère et la fille aînée passant tout leur temps dans la maison, et surtout dehors, entre lessives et séances de bronzage. On sent bien que l'ouverture imminente de la portion d'autoroute va changer la donne, mais on ne sait pas de quelle manière. Le grand talent du film est de nous faire glisser progressivement d'une situation quasi idyllique (on est là dans une utopie rafraîchissante) à une sensation d'enfermement insupportable. Le malaise va gagner de manière différente tous les membres de la tribu, l'une ne voulant pas quitter les lieux, l'autre obsédée par le Co2, etc. Il s'agit alors de sauver sa peau et celle des autres membres de la famille. Remarquablement filmé et mis en lumière, subtilement écrit, magnifiquement interprété (Huppert toujours parfaite en mère borderline, Gourmet sobre et touchant, Adélaïde Leroux excellente et le jeune
Kacey Mottet formidable de naturel), Home oscille entre comédie burlesque à la Tati et drame flippé genre Bug avec une aisance et une maîtrise rares pour un premier film. Ici rien n'est appuyé, le discours n'est jamais pesant, et si le propos appelle un questionnement sur le monde actuel, ce n'est pas de manière didactique. Un premier film original et enthousiasmant