Quels débuts dans la carrière pour cette jeune réalisatrice, Ursula Meier. La production est helvético -wallonne; sous ces auspices, on s’attend à un film bizarre…on n’est pas déçus. Une maison au milieu de champs à perte de vue. Entre la maison et le seul chemin, une autoroute qui n'a jamais été mise en service. Une famille épanouie, fusionnelle, les parents Michel, -Olivier Gourmet, juste comme toujours, Gourmet ça rime avec parfait, et Marthe, Isabelle Huppert, prodigieuse, et trois enfants, le petit garçon espiègle, la jeune ado mal dans sa peau et la grande qui passe ses journées en bains de soleil au bord de l’autoroute super pour faire des courses de rollers. Marthe, attentive aimante, tient la maison...
L’autoroute est remise en service. La maison est coupée du monde. Ce sont les vacances, l'aînée continue à s'exhiber et Marthe à étendre ses lessives sous l'oeil des automobilistes. Il y a de plus en plus de camions, le bruit est incessant, plus personne ne peut dormir. La cadette est terrorisée par le CO2 et les "particules fines" qui colonisent leurs bronches. Et alors, on comprend ce qu'on aurait du déjà comprendre, mais non, -c'est la force du film: Marthe est folle à lier et elle a entraîné toute sa famille dans son délire. Elle ne peut vivre que là, dans cette tanière qui est son refuge et son domaine, la maison, les quelques mètres de jardin, et jamais elle n'en partira, et jamais ils n'en partiront, parce qu'elle est l'araignée mère et eux les petites mouches consentantes dans la toile.
Une tentative désespérée de Michel pour les sortir échoue, les enfants font bloc autour de leur mère. Alors, il va acheter des parpaings et de la laine de verre, et mure entièrement la maison, portes et fenêtres. On est partis d'une histoire absurde, on arrive au noir absolu. On se croyait avec Poelvorde, on est chez Hanneke.
Quel film! Mais doit-on le lire comme la description clinique d'une névrose familiale, ou comme la métaphore de la famille étouffante?