Le foyer est un espace. L’art de l’espace mis en perspective avec le temps se résume par le phénomène cinématographique. «Home» (France, 2008) d’Ursula Meier tente de définir les frontières du chez-soi par un burlesque situationnel qui se meut, dans son absolu, en un film d’angoisse. Une famille habite au bord d’une autoroute déserte qui, alors qu’elle semblait abandonnée, reprend son activité. Cette première situation ébauche l’intrusion de l’étranger au sein même du foyer familial. Alors qu’avant, au début du film, tous pouvaient jouer au hockey sur le bitume désertique, ils sont condamnés à rester cloîtrés de l’autre côté de la clôture, risquant leur peau dès qu’il leur faut traverser la chaussée pour se rendre à l’école ou au marché. Reclus chez eux, les membres de la famille s’entassent, dorment ensemble, retrouvent une promiscuité que le champ libre de leur ancien espace (celui comprenant l’autoroute) avait éparpillée. Cette situation en engendre une autre, plus oppressante, où le père, sous l’impulsion de sa jeune fille maniaque, cloisonne la maison de ciment et de moellons. Dans cette étouffante atmosphère, sous la lumière obscure, la famille se sclérose, se soumet à la névrose du monde qui envahit la maison. Le foyer, tel que le dessine le film, est un cadre délimité où s’introduit sans gêne le monde extérieur. L’humour avec lequel Meier verse ce drame familial, chargé de symbolique, conserve la trace, un peu effacée, du comique de son court-métrage «Tous à table». La seconde partie, dont l’éminente part métaphorique évoque «Bug» de Friedkin où la névrose de l’individu atteint le décor, réduit l’espace, le défait de son naturalisme pour le rendre abstrait et y plonger les personnages. «Home» se termine sur une fuite qui abandonne le travail de renfermement du film et ouvre un horizon plus clément, un soleil renouvelé dans lequel puiser un espoir. Cet optimisme arrive comme un étranger dans le trouble du film, aux dépens de Meier vraisemblablement.