Mauvais film de Thierry Jousse, qui traite du désert existentiel - je ne sais pas trop comment dire ce truc qui s'appelle Je suis un no man's land, mais enfin... - d'un chanteur, perdu ou en quête, ou tout ce que l'on veut, après tout, puisque c'est l'avantage de l'abstraction, d'y faire rentrer n'importe quelle intention par rétroaction. Alors oui, on peut y voir, je ne sais pas moi, Kafka, avec cette tournée que le personnage principal interprété par Philippe Katerine (Philippe K. ?) himself tente désespérément de retrouver, mais qui lui échappe toujours. On peut voir aussi du Freud bon marché, avec un bond dans son inconscient avec Surmoi et tout l'attirail psychanalytique d'un accès aux profondeurs, et d'une censure récurrente. On peut même voir le thème du retour aux origines, celui de l'enfance perdue ou permanente, celui du surréalisme, celui de l'absurde le plus excessif ou le plus enchanté... Bref, on peut tout dire de ce film, parce qu'il n'est vraiment rien par lui-même. Alors évidemment, les petits malins crieront au génie du n'importe quoi et des références en tout genre, acclameront le film pour toutes ses fantaisies et tous ses non-sens.
Mais quand même, qu'est-ce qu'on s'ennuie... Jamais, mis à part l'incursion de la mère de Philippe - qui apporte en fin un peu de sens, de grain au film), et la fin dansée avec Depardieu fille (enfin un peu d'image), a-t-on l'impression d'être devant de l'art. L'image est laide, exagérée au début avec ce simulacre de Misery, trop vide ensuite dans la solitude de chanteur. Le film est d'une part une succession d'idées désarticulée et déséquilibrée - film bancal, donc - mais en plus et d'autre part, chacune de ses idées avorte dans le rien, dans le non-intérêt, dans le vide. Si bien que l'oeil ne peut adhérer complètement au film, puisqu'il n'a accès, d'une part, qu'à du discontinu, mais en plus et d'autre part, à du discontinu gnan-gnan, évanescent dans le manque d'idées. C'est le film lui-même qui est un no film's land, mais pas dans le sens noble du terme, dans le sens par exemple d'un territoire un peu magique à la frontière du rêve et de la réalité. Bien plutôt, le film s'efface lui-même devant sa propre bêtise ; il est le territoire de son anéantissement, le lieu même de sa vacuité.
Et puis, ce n'est pas drôle. Mais vraiment pas ; et pour une comédie - si ça se veut une comédie, encore une fois... - ça craint plutôt. Les mimiques de Katerine - toujours les mêmes, de surcroît - sont détestables à la longue, dans le genre petit garçon qui fait la moue et qui ne comprend pas trop ce qui lui arrive, ce dont on lui parle... Le coup du "je suis comme absent dans ce monde étrange", d'autres l'ont fait, et avec davantage de talent.
Et puis, la musique est énervante au possible, avec ces deux accords lancinants qui reviennent sans cesse - genre son clavier midi avec accords genre surnaturels - et puis ces percussions qui primitivisent un peu plus le simplisme à outrance du film.
Et puis, Katerine est non seulement moche - ça c'est voulu -, mais en plus énervant - ça c'est absolument voulu -, mais en plus inintéressant : il passe par toutes sortes d'émotions sans changer lui-même : Ennui parmi les ennuis (le réalisateur a réussi au moins cela : rendre son personnage principal à l'image de son film, à l'image aussi de l'effet que le spectateur doit éprouver : l'ennui, l'indifférence, la platitude).
Je ne suis pas réac, ma parole, mais qu'on m'explique, s'il vous plaît, comment l'on peut passer un moment de sa vie - déjà courte, horribilis - à pondre de la chianterie pareille. Est-ce pour ennuyer ? Se moquer simplement du spectateur ? Jouer ? En fait, le seul intérêt de cette grande clownerie haute en couleurs, c'est de se demander tout au long du film si effectivement on n'a pas raté quelque chose de bien, une idée forte, un plan magique... Pour ça donc, une seule solution : dénoncer en bloc l'imposture. 4/20.
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