Qui est Mr Nobody ?
Un vieillard sénile ? Un être doué de pouvoir extraordinaire ? Un homme à l’imagination débordante ? Un peu tout à la fois ?
Ce dernier long-métrage du réalisateur belge Jaco Van Dormael, à qui l’on doit les très touchants et oniriques « Le Huitième Jour » et « Toto le héros », bouscule les notions d’espace mais surtout de temps.
Nos repères explosent et volent en éclats, afin de mieux nous faire pénétrer dans ce monde des possibles.
Mr Nobody, l’homme sans nom donc, est un vieillard qui vit ses dernières heures de mortel dans un futur où justement la mortalité organique n’existe plus. Il va raconter sa vie à un journaliste intrigué par ce vieil homme atypique et unique.
Alors qu’il commence à nous parler de son histoire, très vite nous nous perdons dans les incohérences de son récit. Ce qui n’est pas clair pour nous, et pour le journaliste qui nous symbolise en quelque sorte, est pourtant très limpide pour Némo Nobody. Il nous parle comme s’il avait vécu plusieurs vies en même temps. Des vies parallèles et simultanées. Comment est-ce possible ? Où est la vérité ? Comment a-t-il pu vivre avec trois femmes différentes en même temps ? Et vivre ainsi plusieurs jeunesses et plusieurs amours ?
Ce film a la force d’un rêve éveillé et la saveur nostalgique d’un songe oublié.
On veut croire à toutes ses histoires, toutes riches et fortes en émotion, mais en même temps notre raison nous dit que ce vieillard est certainement en plein délire et que sa mémoire lui joue des tours. On se ballade dans son cerveau en quelque sorte, on passe d’un souvenir à l’autre, d’une sensation à une autre, sans saisir la cohérence de son cheminement.
Mais là où le film prend une autre dimension, c’est quand on le regarde sous le prisme des théories ou connaissances scientifiques actuelles, car son histoire nous apparaît alors sous un jour nouveau.
La physique quantique nous apprend que nous n’existons pas vraiment tel que l’on se croit, que les choses n’existent que parce que nous les observons et que si notre attention se détourne un instant de cette chose observée, cette dernière peut très bien, de façon très probable, se retrouver ailleurs, dans un autre espace-temps, au même moment.
Intéressant…
De même que l’on peut regarder le film du point de vue de la théorie du Big Bang et de sa finalité, le Big Crunch, théorie clairement évoquée dans le film.
Que se passerait-il donc si nous revivions sans cesse la dilatation et la contraction du temps ? Est-ce qu’on revivrait nos vies ? Ferait-on les mêmes choix si l’on avait conscience de cela ?
Mais peut-être est-ce tout simplement un film sur l’imagination ?
Mr Nobody a vécu toutes ses vies uniquement dans sa tête. Ne pouvant en choisir une seule, il n’en a réellement embrassé aucune, mais toutes ces vies imaginées lui ont apporté plus de richesse et de plaisir que s’il avait dû n’en choisir qu’une, l’obligeant alors à abandonner les autres possibilités et autres chemins de la vie.
Le fait même qu’il s’appelle Mr Nobody, celui qui ne s’est forgé aucune identité donc, appuie assez cette théorie.
Vous l’aurez compris, on sort donc de la vision de ce film avec plus d’interrogations que de réponses, mais il a ce mérite unique de nous avoir stimulé et d’avoir titillé nos émotions, car au final c’est de cela que parle le film : la tragédie d’un homme confronté à des choix impossibles.
Tragédie humaine donc, qui met en avant la richesse de l’homme : son libre-arbitre.
Force qui lui permet certes d’être unique mais aussi de faire face à des choix cruciaux qui orienteront sa destinée vers des cieux inconnus.
Porté par un scénario brillant, riche en événements qui abordent toutes sortes de thèmes, par une photo impeccable et par des idées visuelles à foison, le film, bien qu’un peu long par moments, est une réussite artistique qui a tout du film culte mais qui ne plaira pas à tout le monde, le film en question étant un objet filmique peu identifiable.
Il mérite plusieurs visions pour rendre hommage au travail titanesque du réalisateur, qui essaye de comprendre, en 2H17, le mystère de la vie et de sa finalité.
Alors allumez votre télévision, éveillez votre conscience et plongez dans cet excellent long-métrage de Mr…Van Dormael !