Sont-ils finalement sept, huit ou un millier ? Ce n’est pas tant leur nombre qui compte, mais leur nom, leur voix et leurs actions. Les Chicago Seven ont finalement trouvé un scénariste, prêt à plaider en faveur de la justice ou peut-être tout simplement de la vérité. Et bien qu’Aaron Sorkin ne soit pas le premier à s’y baigner, rappelons toutefois qu’un certain Jean-Luc Godard (Vladimir et Rosa) est passé par là et que d’autres se sont bien inspirés des conséquences (Peter Watkins et Woody Allen notamment). Celui qui a surligné quelques épisodes rebondissant sur une Amérique en transition et en constante opposition avec son patrimoine et son héritage, il revient avec un procès dont la complexité se gagne d’abord par la narration.
Sur ce point, il témoigne d’une efficacité et on lui reconnaît un peu plus de justesse dans ce second long-métrage. Sans briller par sa mise en scène, trop académique, plate et parfois insipide, les interprétations redressent tout de même la barre. Il est évident que l’amorce, grossièrement investie pour nous replonger dans les sixties, nous rappelle également que nous ne sommes pas si loi des mêmes fléaux, des mêmes mœurs et des mêmes indignations. On adopte l’unique point de vue morale de personnages afin de promouvoir un emblème de résistant tout à fait justifié, mais qui promet des nuances, dont celle qui différencie tout être humain. Il ne s’agit ni de la couleur de peau, ni du rang social ou de son affiliation avec la violence. Notre libre arbitre et notre libre-pensée nous définissent tôt ou tard. Mais ce qui n’est pas définitif réclame une attention particulière, car elles se reportent à des actes, que l’on a commis ou non. C’est d’ailleurs ce qui a souvent intéressé le cinéaste dans le passé (The Social Network, Steve Jobs).
Mais revenons au procès qui nous intéresse, en réalité celui d’une nation qui ne parvient toujours pas à assumer son autorité. Ce rapport de forces apparaît justement dans les images d’archives et cette idée oppressante que chacun souhaite monopoliser le tribunal pour sa survie. L’équité ou la victoire est une affaire mise sous scellée, comme cette profonde amertume qu’à un juge en déformant les noms ou en prenant le temps de surligner sa position morale et sénile. C’est d’ailleurs l’un des grands catalyseurs de ce spectacle de foire, qui donne lieu à des échanges enrichissants, mais sans doute peu modérés pour étouffer le caractère gauchiste radical dans ce récit mi-fantaisiste. C’est ce qui dérange constamment la continuité du récit, notamment dans les premiers jours du procès, alignant à la suite provocation, incivilité et indignation.
La présence de Bobby Seale (Yahya Abdul-Mateen II) est traitée avec une telle ironie que l’on se tient là, crispé devant une privation d’avocat, de défense et de parole. Le sujet tourne pourtant autour de cet outil moderne, détourné en une violence physique, car plus accessible, plus pratique et plus irréversible. Elle encourage, tout autant qu’elle incite à agir. La question est donc d’évaluer jusqu’où la portée symbolique de la parole nous protège ou nous condamne. Bien sûr, certaines gestuelles viennent compléter cette observation, notamment autour de Tom Heyden (Eddie Redmayne), qui ne sait plus à qui obéir entre l’institution gouvernementale et la foi des « Sept de Chicago » (The Trial of the Chicago 7). Les minuscules interactions entre Heyden et Seale suffisent ainsi à synthétiser tout un débat médiatisé et inévitablement politisé. Et malgré le génie déconcertant d’Abbie Hoffman (Sacha Baron Cohen) ou l’assurance pénale de William Kuntsler (Mark Rylance), ce que l’on retiendra, c’est bien la mise à nu des prévenus, contraint à servir une autorité qu’ils reconnaissent comme le paternel malade d’une société à la fois ultra-progressiste et incompétente.