Sept activistes ont été jugés à Chicago en 1969. Ils étaient accusés d'avoir provoqué de violents affrontements avec la police, un an plus tôt, en marge de la Convention démocrate réunie dans cette ville pour désigner le candidat du parti qui allait affronter Richard Nixon aux élections présidentielles.
Aaron Sorkin, l'un des plus grands scénaristes contemporains, est de retour. Sa spécialité depuis bientôt trente ans : le politique au sens noble du terme. C'est lui qui a écrit le scénario des 155 épisodes de "The West Wing" ("À la Maison-Blanche"), de Des hommes d'honneur, de "The Social Network", de "Steve Jobs". En 2017, pour la première fois, il est passé à la réalisation avec "Le Grand Jeu". "Les Sept de Chicago" est son second film comme réalisateur et c'est une réussite totale.
"Les Sept de Chicago" est un film de procès. Sitôt achevé le pré-générique qui, à tambours battants, nous introduit à ses sept protagonistes, Sorkin plante sa caméra dans un tribunal et n'en sortira quasiment jamais jusqu'au plan final délicieusement euphorisant. Les seules dérogations à cette règle sont les flashbacks qui reviennent sur ces affrontements d'août 1968 entre policiers et manifestants.
"Les Sept de Chicago" soulève des questions politiques et éthiques d'une brûlante actualité. Il résonne avec les débats en France sur les violences policières et avec des œuvres telles que Un pays qui se tient sage. Aux Etats-Unis, l'hostilité à Donald Trump a emprunté d'autres voies que celles en France de l'hostilité à Emmanuel Macron. Elle a fait un détour par l'histoire, rappelant le racisme des années soixante ("Detroit"), la misogynie des années soixante-dix ("Mrs. America") que Trump était accusé de remettre au goût du jour. C'est le même procédé qu'utilise Aaron Sorkin en dépoussiérant une page oubliée de l'histoire récente américaine.
Comme ces autres films, "Les Sept de Chicago" est bavard. On y parle beaucoup, à un rythme de mitraillette. C'est parce qu'il y a beaucoup à dire, sur l'oppression d'État, sur l'injustice, bien sûr, mais aussi sur les moyens d'y répondre, l'usage ou non de la violence, le respect ou pas des règles de la démocratie, autant d'options qu'incarne à leur façon chacun des sept accusés.
"Les Sept de Chicago" est servi par une interprétation impeccable. On trouve au casting beaucoup de ces seconds rôles dont on peine à se souvenir du nom, à commencer par Frank Langella dans le rôle du juge scandaleusement partial qui présida l'audience. Mention spéciale à Mark Rylance pour son interprétation de l'avocat de la défense et à Joseph Gordon-Levitt pour un procureur écartelé entre ses principes moraux et sa hiérarchie. Mais la vedette va aux deux personnages principaux : Eddie Redmayne (Oscar 2015 du meilleur acteur pour "Une merveilleuse histoire du temps"), sans doute l'un des acteurs les plus incandescents de sa génération, et Sacha Baron Cohen qu'on n'imaginait pas capable d'une telle sobriété dans le rôle du plus provocateur des sept activistes.