Second film du scénariste Aaron Sorkin (la série “A la Maison Blanche”, plus récemment le ‘Social Network’ de Fincher), ‘les Sept de Chicago’ relate le procès du même nom, qui s’étala sur près de six mois en 1969 et 1970 : une manifestation prévue à l’occasion de la Convention Démocrate de 1968 avait dégénéré en émeute. Sept militants, issus de milieux et d’organisations diverses furent arrêtés et jugés, sous la pression de la nouvelle présidence Nixon qui souhaitait faire un exemple. On sait le cinéma américain friand de l’exercice de retranscription d’un procès-fleuve et, si cela permet aux spectateurs du monde entier de mieux connaître le fonctionnement de la justice américaine que leur propre système judiciaire, on sait aussi que ces films sont généralement d’un très grand classicisme, plus ou moins statiques et confits de subtilités jurisprudentielles, et qu’ils finiront in fine par célébrer la primauté du Droit, sur-lequel-est-bâtie-la-nation-américaine sur les passions humaines. Comme on est chez Sorkin, on se doute également que le film sera bavard (enfin, encore plus bavard que ses congénères) et on en nourrit tout de même quelques craintes de spectateur paresseux, étant donné que l’affaire est déjà ancienne, qu’elle n’implique aucun tueur en série mythique et que sa renommée en dehors des Etats-unis reste somme toute très relative. Pourtant, le résultat est passionnant...car ce procès, lancé en dépit des conclusions déjà établies par le ministère de la justice de la présidence Johnson qui mettait en cause la responsabilité des forces de police, mal géré par un juge intransigeant, maladroit et partial, va se transformer en farce tragi-comique. Parmi les accusés, on trouve des fils de bonne famille peu préparés à se retrouver sur le banc des accusés mais aussi des militants radicaux, qui défient le juge et perçoivent clairement avant tous les autres la politisation de l’affaire. A côté d’eux se trouve Bobby Seale, un membre des Black Panthers, étranger aux chefs d’accusation et qui arguera , en vain, que l’absence de son avocat ne lui permet pas d’être représenté équitablement. Les méthodes utilisées par le Pouvoir pour obtenir la condamnation des sept accusés deviendront de plus en plus vicieuses et ouvertes, et le comportement du juge tellement erratique et que les prévenus mais aussi leurs avocats perdront rapidement patience et ne parviendront plus à se conformer à la dignité attendue au sein d’un tribunal. Un nombre record d’Outrages à magistrat seront d’ailleurs enregistrés au cours du procès. Quant à l’attorney fédéral, il sera tellement navré par le déroulement des débats qu’il marquera parfois en toute connaissance de cause contre son propre camp. Si on est fasciné par ce procès ubuesque, ‘Les sept de Chicago’ s’impose comme une leçon sur la manière dont le simple déroulé des minutes d’un procès surréaliste, la cadence parfaitement maîtrisée des argumentaires de part et d’autre, mais aussi des acteurs très en forme (mention spéciale à Baron Cohen, à la fois très éloigné et très proche de ses impersonations habituelles) peuvent se conjuguer pour rendre fascinante une affaire judiciaire pour laquelle on pouvait n’éprouver qu’un intérêt poli au départ, tout en lançant quelques ponts implicites vers les vieux démons, toujours d’actualité, de la justice américaine.