Les limites et les coutures du cinéma des frères Dardennes commencent à se voir. Ils veulent à tout prix faire jaillir une beauté crue, tranchante, choquante et donc nécessaire à travers un humanisme des plus viscéraux (ici, l'amour maternel plus fort que tout…envers l'enfant mais aussi envers le "camé", fils d’adoption). Ils y arrivent mais la beauté jaillit d’où ? A chaque fois d'un contexte extrêmement glauque censé être le reflet de « la vraie vie », celle qu’on ne voit pas d’habitude au cinéma.
Cette fois-ci mais peut être aussi auparavant (on pense au puissant « l’Enfant » qui semblait déjà loin de la « vraie vie »), les Dardennes ont échoué sur un point: leurs personnages ne tiennent pas leurs cohérences jusqu'au bout. On a vraiment du mal à croire qu'un personnage qui, du départ, cautionnait le meurtre puisse avoir l'équilibre mental si parfait, si précis de la solide Lorna. Alors l'humain est changeant, d'accord. Souvent femme varie, aussi. Mais Lorna n'est pas seulement déterminée, elle est aussi, tout au long du film, forte, patiente et réfléchie. Le contraire d’une pauvre fille perdue ! Comment n'a-t-elle pas eu le bon sens de refuser ce projet monstrueux dès le départ? 2 hypothèses: 1) la fin justifiant les moyens, elle voulait sa carte belge à tout prix! Ca ne tient pas à la fin du film, elle ne proteste même pas à l'idée de rentrer en Albanie. 2) elle était amoureuse. Ben dis donc, quelle plaie l'amour ! C’est d’un convenu!
L'incohérence de ce personnage est la faillite du film. Maintenant, ceci mis à part, la mise en scène et la direction d'acteurs des Dardennes est excellente. Les ellipses, très bien placées, créent des chocs émotionnels qui marquent durablement le spectateur. Cependant, le monde gris, triste, et misérable qu’ils explorent à chaque film est plus qu'une boite à idée pour eux, c'est leur univers "burtonien" ! Avec ses codes et ses tronches. Les 3 1ères fois, il surprenait et faisait vrai. Maintenant, il lasse et semble artificiel.