La tâche était extrêmement délicate. Avec un objectif tel que celui-ci, dresser le portrait d'une famille brésilienne, et par ce biais construire une étude des moeurs de la société, les réalisateurs auraient aisément pu sombrer dans un sensationnalisme horripilant et dans un misérabilisme débectant. Il n'en est rien. Appuyés par des recherches minutieusement poussées, Walter Salles et Daniela Thomas tissent une oeuvre d'un réalisme saisissant. Par ces cinq portraits, ils touchent à des domaines caractéristiques et capitaux : la possibilité de s'extirper d'un quotidien semblant corrompu ; la nécessité de croire en ses rêves, liée à la persévérance pour les discerner effleurés et réalisés ; la recherche de la figure paternelle, pilier et transmetteur des racines, nécessaires pour recouvrer son identité bafouée ; la délinquance, moyen dangereux et parfois seul recours pour atteindre ses objectifs ; la "débauche" sexuelle, la drogue, l'alcool, outils permettant de se voiler la face et d'effacer pour un laps de temps l'accablante réalité ; la religion, refuge pour accéder à un réconfort, à un soutien, dans lequel placer son destin et tenter de trouver des réponses aux doutes existentiels. Autant vous dire que le propos est infiniment dense. L'interprétation est unanimement remarquable. Tous les acteurs jouent leur personnage avec justesse et parviennent à leur insuffler une humanité touchante. On observe leurs combats intérieurs, leur aspiration à un avenir meilleur, leur besoin de dignité (on peut regretter qu'ils aient tous bon fond). Le prix d'interprétation féminine à Cannes n'est évidemment pas volé, cependant je pensais qu'on verrait Sandra Corveloni, mère courage incarnée, malmenée par la vie, douce mais également dure quand cela s'impose, plus souvent à l'écran. Une oeuvre admirable, d'une pudeur déconcertante, d'une sobriété inattendue, et d'un profond respect pour un Brésil décadent, où la réalité choque, mais où la lueur d'espoir demeure toujours étincelante.