"Little New York" risque d'en déconcerter plus d'un tant il déjoue nos attentes (scorsesiennes en force) et révèle des tons variés, à l'opposé de l'idée reçue par la bande-annonce. James De Monaco a donc pour qualité d'éviter les écueils du genre en le renouvelant et en y ajoutant un décalage qui concourre à la bizarrerie. Entre comédie noire, film de mafia, drame humaniste et film choral, on ne sait plus trop où donner, et malheureusement le cinéaste non plus : d'où les trois chapitres soulignés qui viennent chacun proposer leur style propre, facilité narrative canalisant l'ambition stylistique de son auteur. Surprenante variation d'un style banalisé, "Little New York" tombe pourtant dans le piège de l'inégalité, chaque section n'ayant absolument pas la même intensité dramatique que les autres, et même si les fragments du récit, peu à peu, viennent à se croiser. La première (dans laquelle règne Vincent D'Onofrio, excellentes retrouvailles) est d'un terrible ennui, sous couvert d'imprévisibilité. La seconde, et de loin la meilleure, retrouve la puissance scorsesienne qu'il faut pour rappeler les grands moments du genre (la scène où Ethan Hawke fuit son rôle paternel),tandis que la troisième,originale,met en scène un vieux boucher sourd-muet obligé de découper les cadavres dans l'arrière-boutique.C'est ici que le film trouve le plus d'inspiration personnelle,notamment dans une fin étonnante et presque burlesque.Mais à brusquer son récit,à y mettre beaucoup de choses à la fois,James De Monaco oublie de rendre attachant ses personnages et,en déjouant les codes,déjoue aussi,mais involontairement,la grande ligne scénaristique et les pics dramatiques qui en aurait fait tout l'interêt.A l'étrangeté du métrage naît une forme d'humanisme en marge,où le geste écologique pour les forêts amérindiennes côtoie le meurtre impitoyable,où les tueurs si froids ouvrent leur coeur et font place à de vrais êtres humains.Un film audacieux et inattendu,quitte à être grandement incompris.