1 000, 4 000, 16 000, 250 000, 1 000 000, 2 500 000, 5 000 000, 10 000 000 de roupies... les questions s'égrènent, l'une après l'autre, et le compteur des gains s'enflamme sur le plateau de "Qui veut gagner des millions ?". Dans le fauteuil du candidat, Jamal Malik, 18 ans, porteur de thé dans un centre d'appel de Mumbai. Commment ce jeune homme sans instruction, issu de la plus crasse misère des bidonvilles, peut-il avoir les réponses à toutes les questions ? Tandis que, d'émission en émission, le suspense grandit, déchaînant la ferveur de tout un pays, des soupçons de tricherie se portent sur ce candidat à la chance trop insolente pour être honnête. Arrêté et interrogé par la police, accusé de fraude, Jamal se met à raconter son histoire de gamin "pouilleux qui a passé sa vie dans les taudis" pour justifier chacune de ses bonnes réponses à l'inspecteur et son auxiliaire. Une question, un épisode ; un épisode, un flashback : les bidonvilles bâtis sur des monceaux d'ordures, l'école en uniforme bleu, l'autographe de star aux émanations pestilentielles, le massacre des musulmans et la mort de sa mère, son frère Salim, la rencontre avec Latika (Aramis), la débrouille, la mendicité, les rapines, les courses éperdues pour survivre, la gare Victoria à 5 heures... Avec "Slumdog millionaire", Danny Boyle a réalisé un film intense, parcouru par le souffle de la passion dans une Inde tout à la fois bigarrée, chatoyante et grouillante d'embouteillages monstrueux où la misère s'insinue partout. De l'enfance à l'adolescence et jusqu'à l'âge adulte, les années passent. La ville se métamorphose, Bombay devient Mumbai et le bidonville est rasé pour laisser place à un quartier d'affaires. Si Dev Patel, Freida Pinto et Madhur Mittal, respectivement Jamal, Latika et Salim, incarnent avec une parfaite sensibilité toute la complexité émotionnelle de leurs personnages, le choix des enfants et des adolescents pour interpréter ces mêmes rôles à des âges différents mérite également d'être salué. Tous sont confondants de crédibilité. Et que dire de leurs beaux visages qui irradient malgré la violence d'une vie sans concessions... Les portraits sont denses et magnifiques. Pour Jamal, la détermination, infaillible, et l'amour inconditionnel et transcendant pour Latika, qu'il ne se résoudra jamais à oublier. Pour Latika, la fragilité, la balafre -cicatrice indélébile d'espoirs de bonheur tristement bornés par sa condition de femme née dans la pauvreté. Pour Salim, la trahison puis le sacrifice. L'interrogatoire au poste de police touche à sa fin. Par son évidente sincérité, Jamal a convaincu l'inspecteur que "Tout ça est bizarrement plausible". Relâché, il peut regagner le plateau de "Qui veut gagner des millions ?" et tenter l'ultime question, à 20 000 000 de roupies : "le nom du 3e mousquetaire ?" pour changer le cours de son destin. Encore des rebondissements, le coeur qui bat très fort... et l'on arrive au générique de fin, après 2 heures d'un spectacle d'une qualité rare. "Slumdog Millionaire" a remporté un véritable succès à sortie, bien mérité et couronné par 8 Oscar, dont celui de "Meilleur film" et "Meilleur réalisateur". Pour ne pas en perdre une miette, à voir jusqu'à la fin du générique, lui aussi très réussi !