D’abord, on se dit que le scénariste et réalisateur Richard Kelly a revu récemment « Le troisième homme », illustre film de Carol Reed, et plus précisément cette scène : juché en haut de la Grande Roue, à Vienne, Orson Welles désigne à Joseph Cotten les passants, très loin au-dessous d’eux, et lui dit : « Éprouverais-tu de la pitié si un de ces points cessait de bouger ? Si je t’offrais 20 000 livres pour chaque point immobilisé, refuserais-tu mon argent, ou compterais-tu le nombre de points à supprimer en fonction de tes besoins ? ». En effet, au début de son film, on dépose devant la porte des Lewis, jeune couple bien sous tous rapports mais qui souhaiterait avoir un peu plus d’argent, une boîte ne contenant qu’un bouton unique. Le dépositaire du cadeau affirme que si l’un des deux appuie sur le bouton, quelque part, un anonyme mourra... et qu’ils recevront en échange un million de dollars ! Discussion entre les époux. Lui, qui est contre : « Et si c’est un bébé qui doit mourir ? ». Elle, qui est pour : « Et si c’était un condamné à mort ? ». Tout est dit, vu la mentalité étatsunienne.
Résultat, elle appuie, et les ennuis commencent. Après bien des péripéties mystérieuses, ils aboutissent à ce que leur fils Walter devient sourd et aveugle, et qu’il recouvrera son intégrité physique uniquement si le mari tue sa femme d’une balle de revolver. Ce qu’il fait, et l’on comprend alors un épisode qu’on a vu bien plus tôt dans le film, où un évènement identique s’était produit ; on comprend aussi que tout va recommencer avec un autre couple.
La sophistication de cette histoire et les références à Jean-Paul Sartre mettent la puce à l’oreille : elle ne sort pas de la cervelle d’un Luc Besson hollywoodien. En effet, c’est une adaptation d’une nouvelle de Richard Matheson, un génie de la littérature fantastique, très apprécié au cinéma. Ce texte, assez court, existe en français sous sous le titre «Le jeu du bouton ».