Après avoir été propulsé au sommet avec un premier film déjà considéré comme culte ("Donnie Darko") et nous avoir proposé un deuxième film tout aussi personnel et intéressant mais très sous-estimé ("Southland Tales"), Richard Kelly revient pour la troisième fois avec un film certes un peu moins personnel (il s’agit en fait d’une adaptation de la très courte nouvelle « Le Jeu du Bouton » écrit part Richard « Je Suis une Légende » Matheson en 1970), mais qui est toujours dans la droite lignée de ses thèmes favoris. "The Box" nous raconte donc l’histoire d’un couple qui, un matin, découvre devant chez eux un colis dans lequel se trouve une mystérieuse boîte surplombée d’un gros bouton rouge. Le lendemain, un homme vient pour leur faire une bien étrange proposition : s’ils appuient sur le bouton rouge, ils obtiendront automatiquement un million de dollars, mais, en contrepartie, cela entraînera la mort d’un inconnu…Voilà donc un postulat de départ tout aussi original que sympathique ; et même si, aux premiers abords, il semble bien éloigné des deux premiers films de Kelly, c’est au fur et à mesure du récit que l’on comprend mieux pourquoi notre ami s’est engagé dans l’aventure : partant sur le même postulat, Kelly invente une deuxième partie en y incorporant des éléments très étranges faisant partir le film dans un genre auquel on ne s’attend absolument pas pour revenir dans sa dernière partie à la fin de la nouvelle, non sans la modifier pour garder la cohérence de son film. Oui, car le grand changement entre le film de Kelly et la nouvelle de Matheson est le sous-entendu que « quelqu’un » ou « quelque chose » est derrière la proposition mais sans jamais le/la nommer explicitement, tout en nous proposant plusieurs idées lors de différentes scènes : s’agit-il d’une organisation gouvernementale type CIA ? Est-ce un grand conglomérat privé ? Est-ce des extra-terrestres ? Est-ce Dieu ? Oui : toutes ses possibilités, aussi loufoques soient-elles, vous viendront à l’esprit en regardant "The Box", mais jamais le film ne vous répondra, par contre il vous incitera à croire dans ces théories par sa mise en scène : Kelly arrive, grâce à une certaine lenteur et à des scènes avec très peu de dialogues, à instaurer une ambiance inquiétante, oppressante faisant basculer au fur et à mesure le film dans une paranoïa angoissante nous faisant ressentir parfois une certaine terreur comparable à celle d’un film d’horreur (certains passages, comme celui de la bibliothèque, prouve qu'une mise en scène virtuose est parfois plus redoutable que des hectolitres de sang, et ne sont pas sans rappeler certains classiques comme "Shining"). Donc nous avons à faire, une nouvelle fois avec Kelly, à une très bonne mise en scène doublée d’une excellente reconstitution des années 70 (décors, automobiles, vêtements, coiffures, accessoires : tout est nickel !). Le récit nous invite à partir d'une situation étrange mais crédible, pour aboutir à un récit vertigineux parfois complexe où arrive à s’entrechoquer éthique (peut-on souhaiter le malheur d’un autre pour son propre confort ?), théologie (les références à Jean-Paul Sartre et Arthur C. Clarke parlent d’elles-même), symbolisme (comment ne pas faire le rapprochement entre Norma appuyant sur le bouton et Eve goûtant au fruit défendu ?), morale (le dilemme final amenant au sacrifice) et nihilisme (on fait référence à une possible apocalypse…rien d’anormal vu que depuis son premier film, Kelly est obsédé par la fin du monde). Même s’ils ne sont pas nombreux, les effets spéciaux sont bien faits, notamment celui du visage d’Arlington qui est saisissant ! Côté casting on doit bien avouer que le trio principal a droit aux honneurs : James Marsden se retrouve bien loin de son rôle de mutant dans la saga "X-Men" en interprétant avec justesse un père de famille troublé par les arguments de sa femme et qui finit par tout faire pour aboutir dans sa quête de vérité ; Cameron Diaz, elle aussi bien loin des rôles de jolies cruches qu’elle a déjà eus, est superbe en femme blessée dans sa chair et dévoré par le dilemme, et arrive même à être particulièrement touchante au détour d’une belle scène où elle parle avec Arlington de leurs « handicaps » ; quand à Frank Langella, il est impeccable dans le rôle du mystérieux défiguré qui ne laisse rien transparaître.
Richard Kelly continu sa vision personnelle et fantastique du cinéma avec ce troisième film qui, au détour du mélange des genres et des thèmes qu’il aborde, nous propose une subtile réflexion sur l’humanité qui, malgré une certaine prise de conscience, serait vouée à répéter inlassablement les mêmes erreurs…"The Box", film moralisateur ? Non, juste un constat lucide et brillamment illustré…