«Kakushi toride no san-akunin» (Japon, 1958) d’Akira Kurosawa est une grande aventure. Se déroulant au cours de la guerre des clans du XVIème siècle, elle tend à embrasser la furieuse soif de pouvoir. Kurosawa, pour infuser au film une dynamique, fait reposer son œuvre sur deux principes : la construction solide du tempérament des personnages et une logistique impérieuse pour couvrir l’ampleur du récit. Le premier des principes donne des personnages extrêmes, pétris par la propension parfois, et heureusement rarement, histrioniques des protagonistes de l’auteur. Les personnages de Minoru Chiaki et Kamatari Fujiwara sont les exemples les plus signifiants. Leurs disputes incessantes les rendent antipathiques en un sens. Il faut attendre leur ridicule réconciliation après avoir frôlé la mort pour véritablement apprécier leur couardise comique. Le reste des protagonistes, bien moins expansifs que ce duo comique, incarnent les stéréotypes du film d’aventure. Rien d’étonnant à ce qu’un réalisateur aussi classique, dans sa forme, que Georges Lucas se soit inspiré d’une telle œuvre. Le second principe contient toute la réussite du film. Les premières minutes, dans le cadre usuel du cinéma de Kurosawa, font l’emploie d’une caméra mobile, portée à l’épaule, suivant les deux acolytes grognons. Cette flottaison formelle, face à l’habituelle stabilité des cadres kurosawaien, étonne. A plusieurs reprises, dans des décors d’une grande et dévorante vastité, la couleur s’ébranle et met en danger la stature des lieux. Dans ces instants ponctuels où la caméra, en un léger spasme, remet en cause la force des lieux, l’intrigue prend visage par le biais du trajet qu’accomplie les personnages. Forcé de faire un détour pour atteindre leur but, le groupe ne fait qu’opter pour le moyen de consolider leur lien et, de ce fait, permet à Kurosawa de bâtir son intrigue. De l’immixtion du guignolesque (porté par le duo) dans l’aventure résulte une œuvre comme irrésolue, au sens chimique.