Pour elle… pour elle… pour elle… il n’y en a que pour elle. Elle, nous ne la voyons en définitive qu’assez peu à l’écran, mais toute l’intrigue se tisse autour d’elle. Elle, c’est Lisa, campée par une Diane Kruger encore une fois parfaite, cette Lisa qui a le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, notion que Fred Cavayé a su utiliser. Bien que ce soit le premier long métrage de ce réalisateur français, il a su exploiter jusqu’au bout ce thriller sur fonds de drame social. D’entrée, le spectateur est accroché par les premières images, auxquelles le réalisateur aura pris le soin de garder une certaine part de mystère. Il faut cependant remonter 3 ans plus tôt pour constater que tout va bien pourtant pour ce couple que forment Julien et Lisa, parents du petit Oscar. Jusqu’au jour où tout bascule, devant les yeux effrayés du gamin qui assiste à l’arrestation sans ménagement de sa mère. S’engage ensuite une bataille juridique que nous allons survoler car là n’est pas le fil rouge du film, au risque de paraître long et ennuyeux. Une bataille juridique qui finit par une condamnation à 20 ans de prison, qui donne lieu à un thriller captivant, mais pas seulement. C’est aussi et avant tout une histoire d’amour, un amour inconditionnel, un amour si pur que Julien ne peut se résoudre à laisser tomber, envisageant l’inenvisageable. La tension et le rythme montent crescendo, et la prestation de tous les acteurs parfaite, notamment Olivier Perrier dans la peau du père de Julien, celui-là même qui parle peu mais qui voit tout et comprend tout. Vincent Lindon apparait ici comme un personnage fragile, mais qui sait trouver des forces à partir du moment où il est mis au pied du mur, parvenant ainsi à traduire cette détermination toujours plus grande au fil de ses péripéties. La séduisante Diane Kruger apporte un certain contraste avec le visage plus ou moins cassé et vieillot voire buriné de Vincent Lindon, mais a su se transformer pour paraître toujours plus usée physiquement et psychologiquement au fur et à mesure que son incarcération avançait. Quant à la musique signée Klaus Badelt, elle est discrète mais vient appuyer efficacement les moments forts. Fred Cavayé a su bien s’entourer pour ce premier projet, plutôt bien accueilli par la presse et les spectateurs. Il a d’ailleurs été récompensé à Paris lors de la cérémonie des Trophées des jeunes talents en 2009, et a même vu son film en course la même année pour le César de la meilleure première œuvre. Une erreur est toutefois à déplorer : alors que Lisa est transférée à l’hôpital sous sirène et gyrophares sous les yeux déterminés de Julien, nous voyons ces agrès sonores et lumineux éteints lorsqu’il passe devant. Pas de quoi fouetter un chat, même si cette erreur aurait dû être repérée lors du montage. "Pour elle" est un très bon film français devant lequel on ne s’ennuie pas, remportant le pari de faire adhérer le spectateur à des personnages qui s’estiment contraints de franchir la ligne. Un très bon divertissement proposé par un jeune réalisateur qui va confirmer ensuite avec l'excellent "A bout portant".