Le cinéma roumain, depuis le milieu des années 2000, tâtonne, parfois avec réussite, pour raconter leur histoire de façon inédite, synthétisant les audaces formelles venues de l’ex-URSS et un souci de la dérision provenant d’un cinéma plus occidental. «Angling» (Roumanie, 2008) d’Adrian Sitaru n’emploie la caméra que comme la vue subjective d’un personnage impliqué dans la fiction du film. Un couple en crise décide, pour mieux se retrouver, de pique-niquer un après-midi au bord d’un lac. Sur leur chemin le couple heurte en voiture une prostituée. Dès lors, se rencontrent aux côtés d’un même homme l’amour officiel, encadré par la société, et l’amour officieux, motivé par les pulsions naturelles. L’emploi continuel de la caméra subjectif permet, en droit, au spectateur de s’immerger au cœur de l’intrigue et l’empêche de prendre du recul. «Angling» est un exercice pour la conscience, il appelle à être critique tout en ne se prêtant pas à l’esprit de jugement. Et tout le dispositif de l’image mis en place par Sitaru étouffe l’épanouissement du récit. La limite d’«Angling» est aussi d’ordre physique. Comment regarder à l’aise 1h30 de caméras numériques mini-DV tandis que l’image, aussi peu travaillée que possible, n’allègent pas la laideur de l’ensemble ? Film rhétorique où l’image ne sert que de matière pour exprimer un entrechoc de pensées, «Angling», compris dans l’ensemble des films roumains récents, rejoint tout ce qui fait la réussite d’une telle mouvance. Malheureusement, Sitaru, soucieux de résumer son film à un seul principe narratif limite l’ampleur de son œuvre. Par là, bien que déterminé à concevoir le réel de la façon la plus immédiate (par substitution direct à l’œil humain), «Angling» se renferme sur lui-même. Porté à l’intérieur des personnages, à la place même que leur optique, je ne suis ni en mesure d’apprécier le récit ni même de m’identifier. Erreur semblable, quoi qu’on en dise, à Robert Montgomery dans «Lady in the Lake».