A mes yeux, "Megalopolis" est à davantage a considéré comme un ESSAI CINEMATOGRAPHIQUE que comme un film narratif lambda. Cette qualification est essentielle pour apprécier l'ouvrage, à la fois déroutant et fascinant. Clairement, le film de coppola est un objet baroque doublé d'une proposition de science fiction philosophique ou chaque personnage théorise sur sa vision de l'avenir, de la société, de la civilisation tout en étant les rouages bariolés d'un projet en mutation permanente. Ce tour de force, qui a mon sens balaye les accusations de sénilité à l'encontre du metteur en scène, prend la forme d'un singulier blockbuster d'auteur comme jamais Hollywood n'en a vu. Osant mêlé mauvais goût et pureté visuelle, trompe l'oeil et chaos frontal, scénographie complexe et séquence contemplative, Coppola, en ultime alchimiste, rappelle avant tout que la BEAUTE du geste cinématographique tient dans son mystère, sa magie, mais aussi dans son obscurité, ses champs utopiques jamais finis... Alors, oui, il y a des moments abscons, des ventres mous, des choses désincarnées dans cette vision de Rome transposée dans un New York City baignant dans l'or fin et les orgies en streaming. Et pourtant, cette vision de la décadence reste d'une modernité absolue. Dans cette vision, les acteurs y incarnent chacun des personnages-symboles : la création, le pouvoir, la trahison, le pêché, le crime, la sagesse... Dans ce contexte, j'ai trouvé qu'Adam Driver faisait le job, même s'il manque quelque chose de plus fort, de plus émouvant à son Catilina César. Mais Shia Labeaouf, dans un registre inattendu, Gian Carlo Esposito ou Jon Voight (la drôlissime scène des flêches!) surprennent ou même Aubrey Plaza, qui joue avec jubilation une femme vénale sortie d'un film noir; Sinon, les effets spéciaux, la palette graphique, le split screen, les néo-décors, tout l'arsenal formel est judicieusement bien pensé et soigné, comme si le film se voulait être, à un siècle de distance, la prolongation cinégénique du "Métropolis" de Fritz Lang, comme un rêve éveillé que se détache de l'écran pour mieux y retourner. D'autant qu'il y a cette réflexion sur le temps, à fois intimiste et démesurée, qui fait sens et qui nous échappe, oui, forcément. Et c'est le geste artistique de Coppola, qu'il soit incompris ou encensé, c'est ce geste qu'il faut prendre en compte, avec toute sa poésie et sa liberté.