Après des années d'écritures, de productions et de réalisations, "Megalopolis" débarque enfin ! Le film ultime de Francis Ford Coppola, celui qu'il semble avoir proposé comme l'œuvre de sa vie, sort donc enfin dans nos salles françaises. Mais alors que l'attente que j'avais pour ce projet était démesurée, je suis finalement descendu de mon petit nuage à la sortie de la projection. À défaut d'être un navet total, car il y a quelques points à sauver, ce film a été l'une des plus grosses déceptions que j'ai récemment eues au cinéma. Rapidement, j'ai vu où voulait aller ce cher Coppola, et quelles avaient été ses ambitions, que ce soit dans son approche visuelle ou dans les thématiques qu'il tente d'aborder. Dans l'inspiration, le film surfe sur beaucoup de projets qui ont dû bercer ce réalisateur. Il est notamment impossible de ne pas penser à "Metropolis" au vu de certaines séquences. Le but était donc de regrouper ces inspirations, tout en imposant un style très particulier, et en surfant sur plusieurs grosses thématiques. Sauf que là où cela peut un peu marcher pour certains points, c'est très compliqué d'être parfaitement conquis par d'autres. Durant tout le film, il surfe sur une ligne rouge très fine, celle qui va être entre le mauvais goût venant d'un ego démesuré et prétentieux, et la réflexion profonde et novatrice. Visuellement, c'est là où je peux être le plus convaincu par sa proposition, car on sent un savoir-faire énorme dans ces visuels. Teinté d'une photographie dorée, qui peut autant symboliser la richesse que la vie, la mise en scène de Coppola offre beaucoup de sublimes plans. Quelques plans-séquences pour des dialogues entre des personnages, beaucoup de grands-angles pour intensifier la démesure de cette ville, un montage épileptique pour faire ressentir la détresse et la perte d'équilibre d'un personnage, etc... En bref, de ce point de vue-là, il n'a plus rien à prouver. Pourtant, je ne suis pas satisfait à 100 % de cette approche, notamment au niveau du montage. Je le trouve parfois très confus, avec certains plans qui ne restent même pas une seconde à l'écran. Et c'est à partir de là que la spéculation entre ce qu'a voulu faire le réalisateur et le rendu va commencer. En essayant de se projeter, on peut imaginer qu'il a voulu symboliser l'énergie et le côté très rythmé de cette vie de riche, avec un aspect très difficile à suivre. Mais cela n'empêche que le rendu reste très aléatoire, et que le récit peine à réellement se poser par moments. Et cette réflexion, elle en va de même pour les effets spéciaux, qui sont particulièrement moches à certains instants. Si les décors de qualité rattrapent cela par moments, c'est parfois très compliqué de se sentir immergé dans l'histoire avec une telle approche visuelle. On pourrait essayer de se dire qu'il a voulu renforcer l'artificialité de ce monde via cette approche, car c'est une idée qui peut se défendre, mais qui, soyons honnête, reste particulièrement compliquée à regarder. Cependant, pour l'instant, je n'ai traité que de l'identité visuelle. Mais clairement, je peux également parler de cette approche pour le récit. Très clairement, j'ai eu le sentiment de voir un film beaucoup trop plein pour une durée de ce type. Les thématiques s'enchaînent sans aucune cohérence, et c'est très compliqué de voir ce qui l'a réellement motivé ici. On commence sur la lutte des classes, puis on enchaîne sur la transposition de Rome à notre monde moderne, puis sur le temps, puis sur une relation amoureuse, etc... On a du mal à voir de la cohérence se faire entre toutes ces scènes, à tel point que certains passages semblent ne même pas appartenir à ce film.
Les 30 dernières minutes avec seulement 5 minutes de temps d'écran pour notre héros, c'est un peu le symbole de ce problème.
Mais à la limite, pourquoi pas ? Même si c'est un chaos sans nom, s'il a envie de parler de beaucoup de choses, c'est son droit. Mais à ce niveau-là, encore faut-il bien en parler ! Durant tout le film, les personnages ne vont jamais s'arrêter de parler, que ce soit par l'intermédiaire d'une voix-off, de dialogues très explicatifs et qui décrivent clairement les actions que l'on est en train de voir, ou par une énorme quantité de citations. Mais cela en devient rapidement indigeste, au point que l'on peut même ressentir une pointe de prétention à partir autant dans ce genre de dialogues. Mais malgré cela, c'est toujours très superficiel et sans grand intérêt, le film ne révolutionne vraiment rien à ce niveau-là.
La dernière séquence et ce long monologue sur l'Homme, ainsi que tout ce qui s'en suit, m'a fait exploser de rire tant je ne pensais pas que ce réalisateur pouvait tomber dans des clichés pareils.
Tout cela m'a clairement fait réfléchir, je me suis beaucoup questionné sur ce que je venais de voir. Si le film est réussi visuellement, et qu'il a de bonnes idées, l'écriture et le montage n'aident jamais à faire passer la pilule. Mais en soi, est-ce que c'est vraiment si différent de ce que ce réalisateur voulait faire ? Je pense qu'il est conscient de tout cela, au vu de sa grande et longue carrière. Mais je pense aussi que c'est une expérience trop extrême pour être réellement appréciable. Il voulait créer ce film ultime où l'attachement aux personnages est secondaire, via un montage dynamique qui ne cherche qu'à épuiser le spectateur. Il voulait mélanger énormément de références de toute époque, pour créer un film qui pourra être considéré comme indatable. Il voulait créer ces énormes avis contraires au sein de son public, dans l'unique but de faire réagir. Pour moi, ce film n'est donc pas raté, car il a parfaitement réussi ce qu'il devait faire, si je le prends de manière objective. Mais si j'y réfléchis simplement en matière de ressenti, je n'ai pas aimé. C'était joli et rempli d'idées, mais le visionnage fut long et pénible. Pour conclure, un projet qui reste intéressant, peu importe le jugement qu'on a de lui.