Le visuel, le léché de la filmation, est mémorable, dès la première seconde. Ça inclut les acteurs, leur direction. Ce sera notre drogue pour tenir en place !
Car c'est un film embarrassant. On en sort la tête pleine et l'estomac plein. Lourd à digérer, trop de messages. Trop encombrant pour être rangé quelque part. Il visait sûrement un très large public pour assurer sa rentabilité. Mais il est clairement destiné à un genre donné de public. Quel genre de public alors ? Aventures, fantasy, science fiction, philosophie, horreur ? On ne saurait dire ! Science fiction surtout, disons (pour ce megalon, vision moderne de pierre philosophale ultime).
C'est une fable, dit clairement Coppola d'entrée de jeu. Mais a-t-on déjà vu une fable basée sur un sujet toutes les deux lignes... L'historien ne comprend pas la complexité de homme. Sauter dans l'inconnu prouve notre liberté. Si les hommes peuvent inventer les dieux, ils sont capables d'infini. Etc. Entre autres.
Il n'y a pas vraiment de catastrophe, c'est-à-dire qu'elle est bâclée, voire inutile dans l'histoire. Histoire qu'on cherche d'ailleurs puisque des scènes s'enchaînent pour faire valoir ici une pensée, là un acteur. Qui sont certes intéressants, mais qu'on doit avaler si vite (pour profiter du prochain ou de la prochaine) qu'on pense surtout au doliprane ou oxyboldine à la fin.
Bien qu'elles finissent par se noyer dans la digression (physique quantique ici, survie à l'ère glaciaire plus loin, définitions comparées des arts, etc), ces scènes sont quand même fortement teintée de politique. De politique comparée à celle qui a précipité la chute de l'empire romain : corruption, accumulation écœurante de richesse, folie meurtrière, effets délétères du pouvoir... C'est clair que c'est très pessimiste.
On peine à croire à l'amour du héros pour sa femme morte et disparue. On peine à croire à l'humanité débordante et fragile de l'héroïne. On peine à croire en tout, parce qu'on est assommés et pleins. On imagine qu'il y aura quelques saynètes amusantes dans le film dès qu'on voit Laurence Fishburne (Matrix, John Wick) en chauffeur de Citroën DS conduisant Adam Driver. Mais non, il n'y a rien de marrant ensuite. Ce film n'est ni comique, ni émouvant, ni captivant (pas de suspense).
Ce film n'est pour autant pas à rejeter. Il demande d'être revisité, revu, pensé. Il dure plus de deux heures ; ça paraît long car on souffre. Mais il mériterait quatre ou six heures pour être proprement développé. Livré comme ça, c'est un gâchis. Sauf qu'il nous rappelle quand même qu'on en a marre de la politique aujourd'hui. Rien que ça, c'est remarquable.
A.G.