Monstre de prétention cynique se masquant derrière de belles paroles faisant référence au peuple - qu’il massacre - Staline/Dussolier est époustouflant de vérité !
Dans un système établi sur la délation, la menace est omniprésente : le concierge antisémite, le voisin râleur, le collègue sexiste et harcelleur.
Au sein du système enclos par le dogmatisme, la hiérarchie rigide et obséquieuse fait le jeu de l’arbitraire et du despotisme…
Alors s’expriment les pires tendances de la bête humaine : veulerie, jalousie, méchanceté, machisme.
La vie même devient un piège. Aimer c’est, dans un système forclos et dictatorial, se mettre en danger.
Staline a mis en place, en le poussant à son paroxysme, une sorte de « principe de précaution» : tout individu doit servir sans rechigner le pouvoir, être à sa botte, se soumettre comme un esclave docile…
L'être devient l'individu... Unité de fonctionnement d'une machine à broyer!
C’est brutal, froid, kafkaïen…
Les beaux mots de peuple, liberté, égalité, fraternité sont détournés pour servir une tyrannie nationaliste, raciste et complètement fermée à toute réflexion sur l’Humain.
Pour survivre, le dictateur doit créer un climat où chacun devient son double.
Ou chacun est pris au piège.
Ou l'enfer c'est les autres!
Multitude de salauds anonymes, ordinaires et trouillards, qui espèrent éviter, vainement, d’être écrasés.
Marc Dugain nous livre le portrait d’un tyran raisonneur qui tient presque des conversations de salon mondain…
Et c’est d’ailleurs, là, la faille du film.
Tout le contraire du véritable Staline qui était plus proche du plouc décérébré, colérique, violent et incapable de comprendre quoique ce soit dans le domaine artistique et/ou scientifique… Témoin Chostakovitch écarté parce que trop moderne (« le peuple ne peut même pas fredonner un air de sa musique »).
On reproche à Dugain le rythme lent de son film, sa monotonie, ses couleurs bistres, ocres et siennes…
Pour moi ces « défauts » servent le propos de l’auteur : la laideur d’un système, d’une société en décrépitude…
Ces carrelages sales, ces murs décrépis, ces appartements délabrés, ces blouses non repassées et suspectes, tout cela pourrait desservir le récit par une apparente exagération…
Mais il ne faut pas perdre de vue que ces éléments soutiennent le film en créant un climat glauque, nauséeux.
A nouveau, comme dans « Le couperet » de Gavras, par exemple, les choix esthétiques de l’auteur servent à narrer une histoire symbolique, un conte historique.
Et ce propos est servi par des acteurs au top niveau : Marina Hand et André Dussolier bien évidemment… Mais aussi Edouard Baer et D. Podalydès. Une réserve cependant concernant Tom Novembre bien meilleur chanteur, ou graphiste, qu’acteur…
Pour terminer je ferai remarquer que notre bienveillant néo-libéralisme qui est, selon les critères assénés par les mass-médias, le garant contre le surgissement inopiné d’une nouvelle dictature est tout aussi liberticide.
Quand ils parlent de « liberté » c’est de la liberté de sous payer et d’avoir des esclaves qu’ils entendent.
Quand ils parlent de droit et d’égalité, c’est une égale soumission au pouvoir de l’argent qu’ils revendiquent pour tous.
Quand ils parlent de fraternité c’est de l’entr’aide entre personnes d’un même réseau, d’une même famille qu’ils évoquent.
C’est le détournement et la rigidification des concepts qui forgent les dictatures !
UN FILM A VOIR ET A PENSER.