Certains films se démarquent par leur constance, à aller jusqu'au bout d'une histoire pour le moins ordinaire d'un point de vue cinématographique. "Story of Jen", second film à l'empreinte salvatrice, fait partie de ceux-là. Sur un postulat qui en a inspiré d'autres, François Rotger tire vers le haut son récit auquel échappe toute prévisibilité. La force de ses références cinématographiques, indéniablement assimilées, donnent à voir un monde réel poétisé à la manière d'un Terrence Malick, alors que l'ombre de "Trois enterrements" ou bien de Gus Van Sant plane grâcieusement au-dessus de certaines scènes. Mythologie de l'Amérique, incarnée par une revisitation des genres (du teen movie psychologique au thriller, du western au drame conjugal) et des codes esthétiques bien précis, cette sombre histoire de deuil et d'amour crépusculaire rappelle les grands films des années 80 dans lesquels l'Amérique est tout à la fois une Terre et un espace photogénique relié directement à ses traditions ancestrales, à son odeur de souffre et d'or. En prenant le parti d'isoler le temps, François Rotger nous laisse comme dans un grand voyage, passionnés par de nouvelles couleurs et de nouvelles sensations, esquivant à chaque moment la base solide d'un repère temporel. Si le scénario en pâtit dans la première partie, mêlant parfois avec confusion passé et présent, il en renaît dans sa deuxième, sublime poursuite jusqu'à la mort dans les roches de l'Amérique du nord. Avec ses personnages envoûtants, sa musique qui se dissout dans l'image, l'incroyable magnétisme qui ressort du visage de Tony Ward et l'impressionnante maîtrise de sa mise en scène, le cinéaste nous tient en haleine, développe son scénario en faisant passer l'improbable pour le plus naturel des drames jusqu'aux dernières séquences. Un film inattendu, qui révèle là un auteur d'une richesse formidable ; peut-être aurait-on aimé un peu plus d'érotisme dans la relation parfois clinique qui relie l'homme à la jeune fille, mais tou