Voilà enfin un film d'espionnage français qui relève haut la main le défi de la mise en scène classique - au terme absolument pas péjoratif de 'classicisme' - , de l'artisanat des visages, avec fluidité et souplesse. Naturaliste dans sa description de corps mouvants et en constant évanouissement, réaliste dans ses clins-d'oeil aux situations des produits pharmaceutiques censés servir à la fabrication de bombes, et dans une scène de terreur en plein Londres (difficile de ne pas penser aux attentas du métro), "Espion(s)" se place clairement comme le meilleur du film d'espionnage français, après le sensationnalisme mastodonte et ultra-crédible de "Secret Défense". La faiblesse d' "Espion(s)" face à ce dernier, mais aussi sa force, est de tenter les choses ; tenter l'aventure d'un film d'action-sensation, optant pour une histoire d'amour trahie et un rapport aux personnages très sensitif, profond dans son évocation de leurs sentiments et dans la passion ambigue, mais avortée, entre Guillaume Canet et Géraldine Pailhas. Un récit amoureux à la fois opaque et lumineux. Mais les faiblesses se font remarquer quand le récit effectue des séquences de liaison ; les transitions perdent de rythme et d'interêt, la finesse de la caméra laissant place à une captation qui finit par tourner à vide. Ceci dit, l'économie de moyens sert magnifiquement certaines scènes (celle, haletante, du dîner), autant qu'elle peut plomber les autres, manque d'interêt. Nicolas Saada, cinéphile dans l'âme, assimile pourtant très bien les codes du genre, qu'il retranscrit plus personnellement qu'on ne peut le croire, à des degrés infimes, par petites touches. Son film n'en est que plus prenant, accumulant peu à peu des minuscules tensions naissantes, croissantes, puis grandioses d'intimité. Mais le danger de ce parti pris est de ne plus pouvoir se renouveler sur la durée ; effectivement, la beauté de la photo par exemple, volontairement terne et cendrée, finit par lasser même si elle colle parfaitement a