Les récents événements en Espagne m'ont donné, allez savoir pourquoi, l'envie de revoir ce beau film de Ken Loach. Inspiré du chef-d'oeuvre (littéraire et historique) de l'immense George Orwell, Hommage à la Catalogne, "Land and Freedom" est sans doute LE film à voir sur la guerre d'Espagne, thème d'ailleurs pas si souvent traité par le cinéma ; ce qui est bien dommage d'ailleurs, puisqu'il s'agit d'un des événements majeurs du XXe siècle, celui qui met fin définitivement au rêve du socialisme libertaire (de toute façon, l'anarchisme se fait une trop haute idée de l'homme, c'est de la confiture donnée aux cochons qui s'excitent sur le mariage de William et les duels Barça-Real), celui où la bourgeoisie indique clairement au bon peuple d'en dessous que le suffrage universel c'est bien gentil, mais à condition de rester dans les limites de ses intérêts bien compris ( d'où le "Ils ont voté, et puis après" comme chantait Léo Ferré après les élections de juin 68, mais là je m'égare...). Revenons à Ken Loach. La forme est très classique, et c'est tant mieux. Sur le fond, je pense que le réalisateur s'en est vraiment bien tiré, arrivant en deux heures à balayer pas mal d'aspect de ce conflit : la solidarité des gauchistes européens (quand gauchiste n'était pas un gros mot) avec les républicains, le manque d'équipement, les dissensions idéologiques entre anarchistes et trotskystes d'un côté contre les staliniens de l'autre, la trahison de ses derniers, le conflit où les combats de basse intensité alternent avec les pires monstruosités, l'arrogance de l'armée franquiste persuadée d'être dans son bon droit, etc. Toujours pédagogique, jamais didactique, on s'attache de plus assez aux personnages. L'acteur principal anglais, Ian Hart, est génial dans ce film, et la reconstitution historique très crédible. La séquence sur la question agraire à la "maison du peuple" est magnifique et subtilement éclairante, preuve sans doute que, dès lors qu'elle était volontaire et non décidée par l'Etat, la collectivisation des Terres ne débouchaient pas forcément sur les massacres et famines auxquels elle a donné lieu plus à l'Est du continent. Il y a un petit côté manichéen, les gentils anarcho-trotskystes, les méchants communistes, mais je l'avoue, celui-ci n'est pas fait pour me déplaire...A las barricadas !