Lorsqu’il réalise "Butterfly kiss", son premier long métrage de cinéma, Michael Winterbottom a 34 ans et il a travaillé pour la télévision comme monteur, comme documentaliste et comme réalisateur, avec, en particulier, deux documentaires sur Ingmar Bergman. Après avoir essayé en vain, en collaboration avec le scénariste Frank Cottrell Boyce, de réaliser un film qui se serait appelé Delirious, les deux complices ont décidé de se lancer dans l’écriture d’un scénario pouvant déboucher sur un film qui puisse être réalisé rapidement et avec peu d’argent. Ce film, c’est donc "Butterfly kiss", et il n’a couté que 400 000 livres. Étant tous deux originaires du Lancashire, Winterbottom et Cottrell Boyce ont limité le champ de leur road-movie à cette région qu’ils connaissent bien.
Dès le début de "Butterfly Kiss", on comprend que Eunice n’est pas très claire dans sa tête : cette recherche frénétique d’un disque d’une chanson qui n’est pas une chanson d’amour mais une chanson sur l’amour, d’une chanson dont elle ne se souvient ni du titre ni du nom de l’interprète, sa façon agressive de questionner les caissières des stations-service sur leur prénom, voulant coute que coute qu’elles soient cette fameuse Judith qu’elle recherche, la seule femme qui lui ait envoyé des lettres d’amour, tout cela crée très vite un sentiment de malaise chez le spectateur. Que cela soit suivi par des meurtres d’une grande sauvagerie n’a donc rien d’étonnant. Plus étonnant est le fait qu’une caissière, Miriam, va s’attacher à Eunice et la suivre dans son errance macabre.
On ne peut que féliciter Winterbottom d’avoir évité de donner un aspect gore à "Butterfly kiss" : en effet, les actions meurtrières d’Eunice ne sont jamais montrées, le spectateur ne faisant que découvrir le résultat, le plus souvent en même temps que Miriam. En fait, on comprend très vite qu’Eunice ne cherche qu’une chose, elle qui a déjà commencé à couvrir son corps de chaînes : un châtiment rédempteur, un châtiment qui tarde à venir et qui la pousse à aller toujours plus loin. « Dieu m’a oubliée : je tue des gens et il ne m’arrive rien », s’écrit-elle.
C'est de l’autre côté de l’Atlantique que Michael Winterbottom est allée chercher l'interprète d'Eunice : Amanda Plummer, la fille de l’acteur canadien Christopher Plummer. Un choix qui, à la vision du film, s’avère très judicieux. Quant à la comédienne anglaise Saskia Reeves, autre choix judicieux, elle a été complètement métamorphosée pour rentrer dans la peau de Miriam, passant de blonde à brune, acceptant d’apparaître moins belle que dans la réalité.