Ils signent ici leur grand retour. Eux qui ont connu des débuts plutôt discret dans les années 90 et surtout 8 ans après leur dernière collaboration (« From Hell » avec Johnny Depp), les frères Hughes reviennent effectivement à la réalisation d'un long-métrage.
Avec « Le livre d'Eli », ils s'essaient également à un genre qui ne leur est pas forcement familier : l'action. Ainsi, ils nous proposent donc ici, une œuvre qui reflète leur propre vision d'un futur apocalyptique de l'Amérique, d'autant plus osé qu'ils instaurent à leur univers, une donnée religieuse.
Dans un futur proche, l'Amérique n'est plus que ruines et les routes, autant de pièges infestés par des bandes criminelles. Lorsqu'il arrive dans ce qui fut autrefois la Californie, Eli se heurte à un redoutable ennemi : un dénommé Carnegie, homme qui ne recule devant rien pour imposer sa volonté à la petite ville qu'il contrôle. Au fur et à mesure de ses rencontres et péripéties, Eli va prendre conscience de son destin : redonner l'espoir, de sauver le futur en soufflant sur les braises d'une humanité qui n'attend que l'étincelle...
Survivant comme beaucoup d'autres, Eli (Denzel Washington) que l'on découvre d'abord dans une excellente scène d'introduction, tente de protéger par tout les moyens la dernière bible sur terre, objet de convoitise d'un certain Carnegie (Gary Oldman) qui souhaite l'utiliser à mauvaise escient. Si les images sont constamment impressionnantes, sublime et irréprochables, l'ambiance post-apocalyptique n'étant d'ailleurs que prétexte pour assurer le spectacle et le décor, le scénario quant à lui se divise très distinctement en deux parties, mais inégalement réussit.
- Par conséquent, la première partie solide et soignée, arrive à nous surprendre et constitue la force majeur du film. Denzel Washington fait une entrée dans le récit remarquable, l'absence de dialogue dans les premières minutes nous offre une atmosphère suffocante, la première confrontation se veut violente, époustouflante et stylisée, et même le sadisme s'invite chez le personnage d'Eli celui-ci refusant d'intervenir lorsqu'il assiste au viol puis au meurtre d'une femme vagabonde. Ne te détourne pas de la route, cela ne te regarde pas. Enfin l'action se montre dynamique et impose au film un rythme appréciable. A cela s'ajoute une musique d'ambiance signée Atticus Ross, parfaitement adapté aux événements et vous obtiendrez une des mises en scènes les plus réussit dans le monde du cinéma contemporain (ici environs les 30 premières minutes).
- En revanche, la seconde partie qui correspond à l’intégration de l'aspect philosophique/religieux, est moins convaincante. Progressivement l'intensité du début se perd et l'histoire de l'homme guidé par sa foi et la traque qui s'en suit entre Carnegie et Eli nous donnent quelques maladresses, quelques raccourcis un peu trop facile. Aussi, l'objet de toute les convoitises (décrite comme une arme redoutable) ne nous semble finalement pas si redoutable. Ici un livre (la Bible) et le savoir qu'il apporte, se retrouve garant de l'humanité de demain. Fort heureusement, la réalisation ne tombe pas dans la leçon de morale indigeste. Cette seconde partie de film s'attarde donc sur deux visions opposés, l'un idéaliste ne voit en la Bible qu'un guide spirituel, l'autre avide de pouvoir y trouve un instrument de manipulation.
En outre, le film fait preuve d'une certaine originalité intéressante, comme par exemple, la restitution d'un monde mi-western, mi-anticipation, qui est tout à l'honneur des frères Hughes. Respectant les codes (notamment du Western), ils nous offrent quelques superbes scènes : l'entrée dans le saloon, duel en pleine rue, le voyage vers l'Ouest, des bandits pilleurs...
Coté casting, soyons honnête, le film ne connaîtrait pas le même rendu sans la présence d'un Denzel Washington au charisme naturel et à la carrure impressionnante, mais aussi sans l’impeccable Gary Oldman dans le rôle du méchant détraqué. Mis à part, aucun personnage secondaire n'est vraiment développé, Ray Stevenson n'apporte rien de particulier tandis que Mila Kunis (Solara) apporte la traditionnelle touche de féminité quoique moins accessoire tout de même que dans certaine réalisation du moment.
Finalement, « Le Livre d'Eli » est à mes yeux une agréable surprise des frères Hughes dont on n'attendait plus vraiment grand chose. Fort d'une première partie de film qui en impose comme rarement, la réalisation se laisse ensuite glisser jusqu'à son coup de théâtre final jubilatoire, qui ne manquera pas de nous surprendre. Enfin, le film nous évite le gros bourrage de crane, ne tombant à aucun moment dans une quelconque propagande, contrairement à ce que certains essaient de nous faire croire