Quand un film intellectuel n’est projeté que dans le but de « faire intellectuel », ne nous voilons pas la face, ça a le don d’être super chiant. Quand on pense qu’on pourrait tout aussi bien aller voir un autre film en salles où le prince de Perse en personne bondit contre les bandits, ça fout les glandes. Un peu.
Mais force est de constater que Copie Conforme n’est pas tout à fait de cette trempe là, et il le montre dés la première scène, à la limite de l’autodérision, dont le monologue sur le sens de l’art gonfle impudemment : barbant au possible, les personnages s’ennuient et commencent à s’éparpiller, comme pas mal de spectateurs soit dit en passant. Il en est ainsi les bonnes vingt premières minutes. Jusqu’à ce que l’on capte le véritable intérêt du film : cerner un malaise familial tabou, mais dont quinze années de mariage deviennent comparables à une scène artistique, où l’original se mêle à la copie, où les rôles se creusent puis se confondent complètement, comme en témoignent le faux mari qui joue la comédie, en toute sincérité et qui se métamorphose, petit à petit, jusqu’à douter de son avenir, même. Heum.
Voila un gros défaut du long métrage d’Abbas Kiarostami, qui peut néanmoins se révéler en atout : difficile en effet d’en parler sans craindre de tomber dans la mauvaise interprétation. Je m’en fous, la mienne me parait bonne. Mais cette histoire de « copie de couple » pourrait être laborieuse si elle n’était pas rythmée (chacun l’entend comme il le veut, haha.) par une évolution magistralement illustrée grâce au tandem Binoche/Shimell, laquelle démarre à partir d’une scène chaleureuse dans un café typique de Toscane (oui, parce que aussi il y a quand même de magnifiques paysages… après, bon, c’est pas Pandora, mais ma foi…). C’est précisément Là que tout le surréalisme du film surgit subitement : une serveuse prendrait elle autant de temps à causer avec une cliente ? Est-ce commun d’aller au restaurant sans qu’aucun serveur ne vienne prendre commande ? Aller dans une chambre d’hôtel sans réservation ni paiement, est ce possible ? Le film tangue sans cesse, au fur et à mesure que l’on se rapproche d’un dénouement (notez bien la forme indéterminée), du côté de la fable, pour mieux rechuter sur la dur réalité d’une femme amoureuse, fictive Juliette rayonnante, aux côtés d’un William inconnu mais découvert qui, lors de ses simulations de crises, est même capable de nous rappeler l’accès de colère du Jack Nicholson dans l’Overlook. C’est amusant, parce que The Shining traitait lui aussi des tensions familiale. C’est assez nul comme référence, mais il en fallait bien une.
Et vas y que ça tire en longueur, et vas y que ça te rajoutes des images subliminales plus grosses que l’écran, et vas y que ça te pond des dialogues philosophiquement « error 404 » au commun des mortels, que le duo tentent avec brio de rendre crédible (« ou pas », comme dirait James). C’est aussi ce qui fait le charme de cette œuvre surréaliste, didactique et parfois trop ampoulée. Non, sérieusement : une agréable surprise. Et pas trop chiante. Et puis, c’était ça ou Les Mains en l’Air, alors…