Pour son premier film tourné hors d'Iran, Kiarostami a délaissé son style naturaliste et opté pour plus de sophistication. Le petit jeu de rôles du début, mécanisme d'illusion autour d'un vrai-faux couple, en parallèle de la réflexion sur l'orignal et la copie dans l'art, est intéressant. Mais sa logique peut poser question (pourquoi l'enfant, par exemple, participe-t-il à ce jeu ?).
Le réalisateur se livre à un exercice de style autour d'une histoire conjugale et d'une joute verbale. Intelligents, voire brillants, les dialogues n'en demeurent pas moins trop écrits pour être vraiment émouvants et faire oublier l'artifice de la mise en scène. En témoigne la rencontre avec l'homme et la femme sur la place du village, qui sonne absolument faux. Dans le genre du drame conjugal fondé sur une longue conversation, on peut largement préférer, parmi les films assez récents, Conversation avec une femme, de Hans Canosa.
Autres éléments plus ou moins convaincants : la tonalité d'ensemble, la vision des rapports hommes/femmes et l'interprétation. Concernant la tonalité, le réalisateur semble hésiter entre drame pur, accents comiques, évocation douce-amère. C'est un peu flottant. La vision des rapports hommes/femmes oppose une sentimentalité et une fragilité féminines à une intellectualité masculine, teintée de cynisme, de détachement. La femme (qui n'a pas de nom dans le film, à l'inverse de son mari...) cherche une épaule forte pour s'appuyer, tandis que l'homme fuit ses responsabilités. La femme devrait cependant, à en croire une patronne de café, se satisfaire d'être une épouse. Les féministes apprécieront. Quant à l'interprétation, si Juliette Binoche séduit par sa sensibilité et sa subtilité, le jeu de William Shimell (plus connu comme chanteur d'opéra) est inégal : la scène du restaurant, par exemple, n'est pas à son avantage.