Maintenant que les biopics sont devenus monnaie courante dans le paysage cinématographique, il n’est plus étonnant de voir que certains se font la guerre durant une année entière. En 2014, nous avons l’exemple du grand couturier Yves Saint Laurent, qui a eu droit à deux films (un sorti le 8 janvier et réalisé par Jalil Lespert, et le second, de Bertrand Bonello en salles le 1er octobre). La même chose s’est déjà produite en 2009, sur Coco Chanel. Avec Coco Chanel & Igor Stravinsky et, le film de cette critique, Coco avant Chanel, d’Anne Fontaine et avec Audrey Tautou dans le rôle titre.
À ne pas s’y méprendre : Coco avant Chanel ne raconte pas toute la vie de la couturière, loin de là ! Au lieu de s’intéresser à ses longues années de créations et de défilées, le film se penche plutôt à la naissance de cette icône de la mode. Nous faisant découvrir comment un petit bout de femme appelée Gabrielle Chanel (Audrey Tautou), autodidacte, d’une très forte personnalité et d’un milieu modeste, est devenue la Coco Chanel que nous connaissons tous. Un destin qui s’est notamment forgé par sa rencontre avec deux hommes, Étienne Balsan (Benoît Poelvoorde) et Boy Capel (Alessandro Nivola), qui changèrent littéralement sa vie.
Ainsi, le film démarre sur cette jeune femme qui ne vit que par quelques chansons offertes au public de petits cabarets. Et qui va connaître au fur et à mesure le milieu de la haute dans les bras d’un homme qu’elle pensait aimer avant de découvrir ce qu’est le véritable amour, avec ’un autre. Et une chose en amenant une autre, nous arrivons à cet instant où Coco Chanel est celle qui s’est faite connaître à travers le monde. En somme, Coco avant Chanel suit le schéma classique d’un biopic, sans chercher à creuser plus le scénario de base. Enchaînant bêtement les situations, sans jamais prendre un parti ou se lancer dans une pirouette scénaristique qui serait sortie de l’ordinaire (comme l’avait fait Olivier Dahan sur La Môme, en utilisant une narration non chronologique).
Même sur le plan de la mise en scène, Anne Fontaine ne s’est pas trop foulée pour nous livrer son biopic. Une photographie « normale », une caméra qui ne fait que filmer posément les comédiens, un montage tout ce qu’il y a de plus banal… Rien n’a été fait pour que Coco avant Chanel soit un film qui, techniquement, marque les esprits. Ne se reposant que sur la personnalité dont il veut faire la lumière. Et, surtout, ne se contentant que de son casting.
Car, s’il y a une chose à reconnaître à ce biopic, c’est bien sa distribution ! À commencer par cette chère Audrey Tautou, qui s’éloigne de plus en plus de l’éternelle image d’Amélie Poulain que nous lui accordons encore. Elle incarne avec justesse Gabrielle Chanel, donnant à son personnage suffisant de caractère et de bagou pour que nous croyions à l’authenticité de sa prestation. Mais elle n’est pas la seule à se faire remarquer dans ce film. En effet, les deux comédiens qui l’accompagnent livrent également des interprétations que nous ne leur connaissions guère. Notamment l’insupportable Benoît Poelvoorde (désolé, ce qualificatif m’a échappé !), qui prouve ici qu’il peut, sans mal, être calme et sérieux, nous offrant de la justesse dans son jeu d’acteur. Une qualité dont il devrait partager bien plus souvent, au lieu de jouer les lourdingues de service ! Et enfin, Alessandro Nivola, comédien plutôt discret, même dans les blockbusters hollywoodiens (Volte/Face, Jurassic Park 3, The Eye), et qui devrait se faire plus présent au cinéma qu’il ne l’est. Quant aux seconds rôles, rien à dire de ce côté-là : Emmanuelle Devos, Marie Gilain…
Autre point fort de Coco avant Chanel : sa sobriété visuelle. Alors qu’un film sur la grande couturière pouvait enflammer sans mal n’importe quel producteur et réalisateur question folie des grandeurs (nous livrer un produit hautement clinquant), le long-métrage a le mérite de jamais en faire trop. Pas de grandes robes élégantes pour en mettre plein la vue, juste des vêtements « normaux » pour aller avec les personnages et le cadre. Pas d’immenses salles semblables au château de Versailles, juste un décor campagnard agréable (accompagné par moment d’une jolie musique signée par l’immense Alexandre Desplat). Bref, Coco avant Chanel ne trahit nullement son intention première qui, rappelons-le, était de dévoiler qui était Coco Chanel avant sa célébrité (exit donc les cérémonies, les rencontres avec les stars et autres soirées rimant avec le luxe). Un film qui s’en tient donc à ses promesses, c’est déjà bien !
Mais encore une fois, il est fort dommage que Coco avant Chanel n’aille pas plus loin que cela. N’osant pas proposer un script plus ambitieux. De ce fait, nous nous retrouvons avec un long-métrage qui a, certes, des qualités indéniables, mais qui ne suffisent pas pour titiller plus que ça notre attention. Un biopic de plus, voilà ce qu’est véritablement Coco avant Chanel…